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Au-delà du Bangladesh, les pays de l’OCDE doivent agir pour sauver des vies dans l’industrie de la confection

27 août, 2018Le 24 avril 2013, le monde s’est éveillé aux réalités des usines de confection du Bangladesh alors que plus d’un millier de travailleurs et travailleuses ont été tués et plus de deux mille blessés après l’effondrement du complexe d’ateliers de confection Rana Plaza, qui fournissait des enseignes occidentales.

C’est une ligne sanglante qui a alors été franchie. Partout dans le monde, les gens ont commencé à se préoccuper du sort de ceux et celles qui fabriquent leurs vêtements. Après avoir renvoyé d’un revers de main avertissement après avertissement, les enseignes internationales de l’habillement ne pouvaient plus ignorer les conditions de travail dangereuses régnant au sein des usines de leurs fournisseurs. Les audits prônant l’auto-régulation en matière de sécurité se sont révélés être des impostures.

Les Fédérations syndicales internationales IndustriALL et UNI, se sont saisies du dossier pour élaborer l’Accord sur les mesures de sécurité ayant trait aux incendies et aux bâtiments au Bangladesh, une convention sans précédent, indépendante et juridiquement contraignante entre les syndicats et les enseignes. Le but : que plus aucun travailleur, aucune travailleuse n’ait à craindre un incendie, l’effondrement d’un bâtiment ou tout autre accident qui puisse être évité par l’application de dispositions raisonnables en termes de santé et sécurité. Cela signifiait que les enseignes devaient prendre leurs responsabilités pour rendre les usines de leurs fournisseurs sûres et contribuer financièrement dans ce sens.

Des ingénieurs, experts en sécurité des bâtiments et en prévention des incendies mandatés par l’Accord du Bangladesh ont depuis inspectés plus de 1.600 usines de confection qui fournissent plus de 200 enseignes et détaillants. Les premières inspections ont identifié 118.500 causes de risque en matière de sécurité électrique et structurelle dont 84% ont trouvé remède. L’équipe de formation de l’Accord a conduit 2.838 sessions de formation de comités de sécurité avec les travailleurs et travailleuses au sein de plus de 1.000 usines.

L’Accord du Bangladesh fonctionne parce qu’il est armé pour. Deux enseignes internationales qui avaient failli à rencontrer leurs obligations juridiques ont été amenées avec succès devant la Cour permanente d’arbitrage de La Haye. Ceci a conduit à des contributions se montant à plusieurs millions de dollars pour porter remède aux risques mortels présents au sein des usines des fournisseurs de ces enseignes. En sus, 300.000 dollars ont été versés en faveur d’un fond qui soutient le travail d’IndustriALL et d’UNI en vue d’améliorer les salaires et les conditions de travail des travailleurs et travailleuses au sein des chaînes mondiales d’approvisionnement.

Au bout de cinq années, l’Accord du Bangladesh se profile comme un modèle pour les relations sociales et démontre que syndicats et enseignes peuvent travailler de concert pour résoudre des problèmes systémiques. L’industrie bangladaise du prêt-à-porter est indubitablement plus sûre et des vies ont été sauvées.

Cependant, le travail de l’Accord, qui a expiré à la fin du mois de mai en 2018, n’est pas terminé. Trop de dangers mortels subsistent dans les usines des fournisseurs, ce qui explique que plus de 180 enseignes ont signé le nouvel Accord de Transition de 2018 (et d’autres les rejoignent encore), qui concerne déjà environ deux millions de personnes occupées dans la confection au Bangladesh, dont la plupart sont des femmes.

L’Accord de 2018 a un champ d’action plus large afin de couvrir le textile de ménage et les chaussures. Aussi, et de façon cruciale, il donne davantage de pouvoir aux travailleurs et travailleuses. Le nouvel accord est conforme au Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence applicable aux chaînes d’approvisionnement responsables dans le secteur de l’habillement et de la chaussure, qui reconnaît que les travailleurs et travailleuses ne se situent pas à la périphérie du devoir de diligence, mais bien en son centre. Il affirme l’importance de la liberté syndicale en assurant que les travailleurs aient véritablement leur mot à dire dans la protection de leur propre sécurité. Il mettra également en place un protocole concernant la formation et la prise en charge des plaintes pour assurer que ce droit soit respecté.

Sans droits syndicaux, les avancées obtenues en termes de santé et sécurité ne se maintiendront pas. De graves violations et discriminations antisyndicales sont toujours présentes au Bangladesh, ce qui rend très souvent impossible pour les travailleurs et travailleuses de s’organiser syndicalement et de négocier collectivement.

Les pays de l’OCDE doivent faire entendre leurs voix pour condamner les attaques à l’encontre des travailleurs et des syndicats au Bangladesh. Les pays membres de l’OCDE se sont engagés à défendre les droits fondamentaux des travailleurs et ont signé des principes directeurs qui obligent les multinationales à prendre leurs responsabilités vis-à-vis des travailleurs et travailleuses de leurs chaînes d’approvisionnement mondiales. Cela implique aussi de travailler avec les syndicats au niveau national ou sectoriel pour atteindre des salaires qui, au strict minimum, permettent de rencontrer les besoins fondamentaux des travailleurs et de leurs familles.

L’UE, en tant que plus grand partenaire commercial du Bangladesh, a également un rôle majeur à tenir. Le Bangladesh bénéficie de tarifs douaniers préférentiels en vertu de Système de préférences généralisées de l’UE. En retour, le Bangladesh est tenu de mettre en œuvre des dispositions clés comme les droits de l’homme de l’ONU et les conventions de l’Organisation internationale du Travail. Ce n’est manifestement pas le cas et pourtant le Bangladesh a régulièrement l’occasion de mettre les choses en ordre. Les pays de l’OCDE, nombre d’entre eux étant également membres de l’UE, ne peuvent pas rester aveugles à ces infractions. Ils doivent se faire entendre.

L’Accord du Bangladesh va poursuivre son travail jusqu’en 2012, ou jusqu’à ce que les autorités du Bangladesh soient prêtes à en reprendre les fonctions.

Nous disposons des outils pour rendre l’industrie de la confection meilleure. Nous devons les utiliser. La pression du public pour améliorer les conditions de travail des travailleurs et travailleuses de la confection n’a jamais été plus forte et le temps de pousser au changement est maintenant venu. Les vies des travailleurs et travailleuses de la confection du Bangladesh et, au-delà, de nombreux autres pays en dépendent.

Cet article a été publié à l’origine dans L’Observateur OCDE

© L’Observateur OCDE, août 2018