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RIO TINTO

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14 juillet, 2015Comment ca marche vraiment !

Rio Tinto est l’une des plus grandes entreprises minières et métallurgiques de la planète. Partout dans le monde, elle est en proie à des polémiques :

  • comportement antisyndical
  • défaillances en matière de santé et de sécurité au travail
  • recours accru au travail précaire
  • mauvaises relations avec les communautés
  • activité politique irresponsable
  • non-respect des droits des populations autochtones
  • manque de transparence

Ces polémiques font apparaître les manquements systématiques de la démarche de Rio Tinto en termes de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance d’entreprise (ESG).

Les pratiques de Rio Tinto présentent non seulement des risques pour ses principales parties prenantes, à savoir les travailleurs et travailleuses, les communautés locales et les investisseurs, mais elles exposent également l’entreprise à des risques financiers, juridiques, opérationnels et peuvent porter atteinte à son image. Les mauvaises pratiques de l’entreprise constituent un déficit de gouvernance l’empêchant de gérer correctement les risques dans son secteur.

Les investisseurs et les autres parties prenantes doivent évaluer ces risques et inciter Rio Tinto à modifier son inacceptable comportement. L’un des moyens d’y parvenir est d’entamer un dialogue avec l’entreprise et d’aborder certaines questions afin d’obtenir des éclaircissements sur les problèmes traités ici, et d’inviter l’entreprise à faire évoluer ses pratiques entrepreneuriales, le cas échéant (questions types fournies à la fin du document).

Pourquoi Rio Tinto ?

Rio Tinto est un chef de file dans son secteur et se présente comme socialement responsable – les propres affirmations de Rio Tinto l’invitent à se conformer à des normes plus rigoureuses. Mais son comportement n’est pas celui d’un numéro un en matière de responsabilité sociale. Rio Tinto se doit d’être à la hauteur de la réputation dont elle se targue, et de traduire ses paroles en actes.

Droits des travailleurs

Pour Rio Tinto, les salariés de l’entreprise sont « la clé de notre réussite » affirmant que « leur sécurité est au cœur de nos préoccupations. » Mais, la manière dont l’entreprise traite les salariés et les syndicats, son bilan en matière de santé et de sécurité au travail, de même que le recours accru au travail précaire, prouvent le contraire.

Liberté syndicale et négociation collective

La liberté syndicale et la reconnaissance concrète de la négociation collective sont des droits fondamentaux et universels inscrits dans les conventions fondamentales nos 87 et 98 de l’Organisation internationale du Travail (OIT). La liberté syndicale est un droit proclamé dans la déclaration universelle des droits de l’homme (1948).

Rio Tinto affirme dans son code d’éthique professionnelle, Notre approche de l’entreprise, qu’elle « reconnaît le droit des salariés à choisir d’appartenir ou non à un syndicat et à négocier collectivement. » Rio Tinto réaffirme dans ses Politiques d’emploi qu’elle « reconnaît le droit de chaque salarié de décider s’il souhaite ou non une représentation collective. »

L’entreprise affirme également que sa politique en matière de droits de la personne est conforme aux Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales et aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Ces deux initiatives soulignent que le respect de la liberté syndicale et de la négociation collective est fondamental dans le cadre des responsabilités des entreprises en matière de droits de l’homme.

Pourtant, alors que l’entreprise prend publiquement l’engagement de respecter les droits syndicaux, elle défend aussi ouvertement ce qu’elle appelle « la relation directe ».

Ce terme « couvre tous les aspects de la gestion des relations de travail, de l’organisation des ressources humaines et, par voie de conséquence, de ses relations avec les syndicats. » Cette approche voit dans les syndicats une tierce partie indésirable, une force extérieure qui s’immisce dans la relation directe entre employeur et employé.

Cette pratique se traduit dans une proposition soumise par Rio Tinto au gouvernement australien, en mars 2015, dans le cadre d’une enquête sur les relations de travail. Rio Tinto y cherche à faire évoluer le droit du travail australien, violant dans une certaine mesure les conventions nos 87 et 98

de l’OIT. Ces évolutions affaibliraient considérablement le droit à la négociation collective en encourageant les salariés à conclure des contrats ou des accords juridiquement contraignants qui empêcheraient toute action collective ; chercheraient à imposer de nouvelles restrictions au droit de grève dans les cas où l’employeur refuserait de négocier ; et limiteraient fortement le droit d’accès des syndicats à un site, ce qui porterait atteinte à leur capacité à syndiquer les travailleurs et travailleuses.

Une enquête récente d’IndustriALL Global Union auprès d’affiliés représentant les travailleurs et travailleuses sur des sites entièrement ou partiellement détenus par Rio Tinto dans 14 pays a obtenu des réponses qui contrastaient fortement avec les affirmations de Rio Tinto selon lesquelles l’entreprise respecte les droits des travailleurs/euses à se syndiquer. Ces réponses décrivent, au contraire, une entreprise agressive, peu disposée à discuter de bonne foi avec les syndicats.

Chez Iron Ore Company (IOC), filiale de Rio Tinto implantée à Labrador City, au Canada, plus de 2 300 plaintes non traitées avaient été déposées en janvier 2015 par le Syndicat des Métallos (USW) pour violation présumée de la convention collective. A plusieurs reprises, le syndicat a cherché à rencontrer les dirigeants d’IOC, en vain. Au lieu de cela, la direction a conseillé au syndicat d’arbitrer les plaintes. Selon le syndicat, le nombre de revendications se traduirait par un processus coûteux et la direction viole systématiquement la convention collective afin de la fragiliser et d’affaiblir le syndicat.

Dans l’enquête, les syndicats mentionnent également :

  • Traitement discriminatoire de Rio Tinto à l’égard des représentants des salariés en raison de leur activité syndicale. Parmi ces traitements discriminatoires : harcèlement, bas salaires punitifs pour activité syndicale, mutation unilatérale des représentants élus et mesures disciplinaires.

Rio Tinto n’a aucun respect pour le syndicat ni pour ses responsables. L’entreprise s’efforce constamment d’écarter le syndicat et attend le moindre faux pas des responsables syndicaux pour les sanctionner.

            - Unifor, Kitimat, Canada

  • Manque de respect pour le rôle des représentants syndicaux. Les syndicats ont signalé que la direction tente d’affaiblir les représentants syndicaux élus en traitant directement avec les salariés et en contredisant ce qui a été débattu et approuvé lors des négociations collectives. Rio Tinto s’y prend de diverses manières pour fragiliser les négociations collectives, par exemple, en retardant le processus et en empêchant le syndicat d’avoir accès à l’information. Plusieurs syndicats ont dénoncé ces tentatives de la direction de priver les syndicats d’information et de ne pas les consulter sur les dossiers de restructuration et de fermeture.

Occupés à fermer des activités qui ne rapportent pas assez pour eux, à externaliser les fonctions supports, et supprimer les emplois en Europe, la direction générale n’a plus le temps de répondre à ses obligations légales d’information auprès des représentants du personnel au CEE et à son expert économique.

            - Représentants du Comité d’entreprise
              européen à Rio Tinto (CEE).

  • Manquement de l’entreprise à respecter ses obligations découlant de la convention collective. En octobre 2014, la direction de la mine de Rössing en Namibie a modifié le paiement des heures travaillées le dimanche sans consultation du syndicat.

Santé et sécurité à Rio Tinto

La protection de la vie et de la santé au travail constitue un droit fondamental des travailleurs et des travailleuses. La direction de Rio Tinto a répété à maintes reprises que la santé et la sécurité de ses employés était une priorité essentielle.

Mais les chiffres montrent une tout autre réalité. Depuis 2013, 46 salariés sont morts sur des sites entièrement ou partiellement détenus par Rio Tinto.

Mais Rio Tinto rejette toute responsabilité dans la majorité de ces décès. 39 salariés sont morts sur le site détenu en partie par Rio Tinto, à Grasberg en Papouasie occidentale, Indonésie, mais l’entreprise affirme que la direction est assurée par Freeport-McMoRan, et non Rio Tinto. Bien que Rio Tinto indique dans son rapport annuel la mort de 6 personnes sur le site de Grasberg en 2014, ces dernières ne sont pas comptabilisées dans les statistiques de mortalité pour 2014. Pourtant, Rio Tinto siège aux comités opérationnel, technique et du développement durable à Grasberg et, dans son rapport annuel, elle classe le site comme l’un de ses « principaux actifs d’exploitation ».

Étant donné l’emprise et les intérêts de Rio Tinto à Grasberg, la mort des salariés relève en partie de sa responsabilité.

Les résultats de l’enquête menée par IndustriALL soulèvent d’autres questions concernant les affirmations de Rio Tinto selon lesquelles la sécurité est sa première priorité. Les syndicats ont indiqué que l’entreprise exerce des pressions sur les travailleurs et travailleuses pour augmenter la productivité au détriment de la santé et de la sécurité au travail (SST). À Alma, au Canada, les syndicats ont fait part des tentatives de contournement des procédures de SST afin d’accélérer la production.

Les syndicats ont également rendu compte de violations des principes fondamentaux de la SST par l’entreprise :

  • Non-respect du droit des travailleurs/euses à se retirer de toute situation de travail dangereuse. Rio Tinto affirme « autoriser ses salariés à arrêter le travail s’ils estiment que la situation est dangereuse ». Cependant, plusieurs syndicats ont signalé que les salariés qui ont exercé ce droit ont été « menacés », « harcelés » ou « sanctionnés ».

[La] décision d’arrêter le travail pour des raisons de santé et de sécurité est suivie de menaces indirectes et de harcèlement à l’encontre des salariés.

            - Western Mine Workers’ Alliance,
              Greater Paraburdoo / Pilbara, Australie

  • Empêcher l’intervention effective des syndicats sur les questions de santé et de sécurité. La participation des travailleurs/euses à la maîtrise des risques au travail est essentielle à l’instauration d’une culture axée sur la sécurité. Pourtant, leur implication dans les questions de SST par le biais des syndicats est entravée par la philosophie de relation directe de Rio Tinto. Selon les résultats de l’enquête, sur certains sites en Asie et en Afrique, les comités de santé et de sécurité n’existent pas ou les syndicats n’en ont pas connaissance.

Lorsque les comités de SST existent et que les syndicats y siègent, ces derniers indiquent que Rio Tinto s’efforce de nuire à leur participation. A Kitimat, Canada, l’UNIFOR déclare :

Lorsque Rio Tinto a repris Alcan, il existait un programme commun de santé et de sécurité qui avait nécessité des années pour être mis en place.

Rio Tinto est alors arrivé et a, en substance, ignoré ce programme commun pour instaurer sa propre philosophie/ses propres programmes. Cette décision a [eu] une incidence sur la capacité des représentants [syndicaux] à aborder les questions de sécurité générale dans l’usine.

            - Unifor, Kitimat, Canada

En décembre 2013, la rupture d’une cuve de lixiviation s’est produite sur le site de Rössing en Namibie. Rio Tinto a présenté un exposé pour évoquer cet incident, mais le syndicat se serait vu refuser l’accès au rapport d’enquête.

Rio Tinto se plaît à décrire son système de gestion du risque comme « déterminant », reposant sur « une évaluation rigoureuse du risque » et sur « des plans de surveillance et de contrôle essentiels ». Cependant, en 2013, une ouvrière a été tué à Alma alors qu’il débloquait une machine, conformément à la procédure de travail. La Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec a conclu que la mort de l’ouvrière aurait pu être évitée et que Rio Tinto avait fait preuve de négligence. L’employeur n’a pas identifié ni maîtrisé le risque bien qu’un autre incident avec cette même machine avait déjà eu lieu.

L’enquête d’IndustriALL met en évidence les lacunes de l’entreprise dans la mise en œuvre des processus de gestion du risque dans le domaine de la santé et de la sécurité.

Même si Rio Tinto dispose de procédures en matière de santé et de sécurité, celles-ci semblent être appliquées de manière arbitraire.

            - USW Métallos, Alma, Canada

Le signalement des risques n’[est] pas abordé dans la structure officielle de SST. Sur le papier, la structure SST pourrait sembler fonctionnelle mais aux postes de travail elle paraît moins légitime...

Les dispositifs permettant de garantir un environnement de travail sûr existent... bien que leur efficacité soit ternie par les manœuvres coercitives et d’intimidation de la direction.

            - Western Mine Workers’ Alliance,
              Greater Paraburdoo / Pilbara, Australie

Rio Tinto affirme « recenser et gérer les principaux risques professionnels pour la santé auxquels sont exposés [ses salariés] » et « limiter autant que possible les maladies professionnelles, en incitant [ses] employés à mener une vie saine qui contribue à leur aptitude au travail et leur permet de rester en bonne santé lorsqu’ils se rendent sur nos sites les plus éloignés pour y travailler ».

De nombreux syndicats dénoncent l’échec de la direction de Rio Tinto en matière de protection et de promotion de la santé des travailleurs et des travailleuses :

  • L’accent mis par Rio Tinto sur la responsabilité des salariés vis-à-vis de leur propre sécurité - moindre attention portée à sa responsabilité quand il s’agit d’éliminer les dangers sur le lieu de travail mais plus d’exigence quand il est demandé aux salariés de changer leur comportement. C’est le cas, notamment, pour la poussière de silice sur son site d’exploitation de minerai de fer dans le Labrador au Canada. L’exposition à la poussière de silice peut provoquer la silicose et le cancer. Le syndicat qui représente les employés de Rio Tinto au Labrador précise que l’entreprise distribue des capteurs de poussière vétustes, accorde une faible priorité au nettoyage et a licencié le responsable santé et sécurité qui était sur le site à plein temps. La direction exige que les travailleurs/euses portent un masque que les intéressé(e)s trouvent peu pratique.
  • Menaces et intimidation de la direction, ainsi que pression accrue sur les salariés pour améliorer la productivité qui conduisent à l’épuisement professionnel. Selon les syndicats, la direction nie toute responsabilité en la matière.

La réponse de la direction [aux cas d’épuisement professionnel] est toujours là même : s’il y a un problème c’est sûrement chez l’employé pas dans l’entreprise.

           - Rio Tinto, France,
             syndicat des cadres (CFE-CGC)

  • Charge de travail et pratiques qui génèrent une grande fatigue au travail. Rio Tinto reconnaît que « la fatigue contribue à de nombreux incidents liés à la sécurité » et explique que l’entreprise s’intéresse de près à « la gestion de la fatigue ». Néanmoins, l’importance attachée par l’entreprise à la gestion de la fatigue est discutable. En janvier 2015, Rio Tinto a apporté des changements aux horaires de travail qui ont augmenté le risque d’engendrer de la fatigue chez les travailleurs/euses sur son site d’exploitation du minerai de fer au Labrador :

Vous vous imaginez au volant d’un camion de transport ? A l’heure actuelle, ils enchainent pendant trois nuits d’affilée des allers-retours incessants et monotones, s’efforçant de rester éveillés pendant 12 heures. Ils devront maintenant faire sept quarts d’affilée.

            - Président local du Syndicat des Métallos,
              IOC, Labrador

Rio Tinto et le travail précaire

Rio Tinto cite rarement les milliers de salariés qui travaillent sur ses sites d’exploitation mais qui ne sont pas directement employés par l’entreprise. Les syndicats de Rio Tinto font état d’une hausse de cette main-d’œuvre indirecte et précaire.

Le travail précaire transfère les risques et les responsabilités de l’employeur vers le/la travailleur/ euse et il présente une plus grande insécurité d’emploi que le travail permanent. Les conditions de travail des travailleurs et travailleuses précaires sont, en général, moins bonnes que celles dont bénéficie le personnel direct et permanent, et ils/elles sont moins protégé(e)s.

Nombre des travailleurs/euses précaires de Rio Tinto sont externalisé(e)s – il s’agit souvent de travailleurs/euses occasionnel(le)s ou temporaires employé(e)s par des sous-traitants. Ils comprennent aussi les travailleurs/euses embauché(e)s par des agences de travail temporaire et par des recruteurs ainsi que les indépendants(e)s.

Rio Tinto manque de transparence quant au recours aux travailleurs/euses précaires et ne révèle pas le nombre d’employés qui travaillent sur les sites qu’elle dirige directement ; elle ne mentionne que le personnel employé directement. Pour certains les syndicats interrogés, le pourcentage de salariés précaires sur les sites de Rio Tinto est estimé à pas moins de 70 pour cent.

Rio Tinto affirme dans son rapport annuel 2014 que, dans le secteur du minerai de fer, il « diminue le recours aux sous-traitants, aux prestataires de services externes et aux consultants » dans le cadre de son effort de réduction des coûts et de hausse de la productivité. Pourtant, les syndicats de Rio Tinto dans les secteurs de l’aluminium, du nucléaire, du charbon et des diamants annoncent que l’entreprise fait de plus en plus souvent appel à des formes précaires d’emploi.

Selon les syndicats interrogés, au cours des cinq à dix dernières années, le travail précaire en France est passé de 5 à 25 pour cent de la main-d’œuvre. À Grasberg (Indonésie), le recours au travail précaire a doublé.

Rio Tinto prétend que sa « réussite est due...aux meilleurs talents du secteur » et qu’elle investit « dans notre personnel tout au long de sa carrière, en leur proposant diverses perspectives d’emploi, des possibilités de développement et des avantages et récompenses concurrentiels qui sont clairement liés à la performance. »

Néanmoins, selon de nombreux syndicats, il existe une stratégie claire visant à remplacer une bonne part de la main-d’œuvre permanente par des salariés externalisés ou occasionnels. À Rössing (Namibie), après les d’effectifs de 2013 et 2014 conjuguées à l’externalisation, les employés licenciés sont à nouveau contactés pour des contrats de travail d’une durée de six mois.

Dans les mines de charbon de Rio Tinto en Australie, le Syndicat des industries de la construction, de la sylviculture, des mines et de l’énergie (CFMEU) indique que l’entreprise licencie les travailleurs/euses permanent(e)s tout en continuant d’employer des travailleurs/euses occasionnel(le) s, remplaçant les partants par des vacataires, et dans certains cas, en affichant une politique ouvertement orientée vers le recrutement d’une majorité de travailleurs/euses externalisé(e)s.

Les syndicats en France et à Sorrel Tracy, Québec, déclarent qu’une surveillance permanente est nécessaire pour limiter le recours de Rio Tinto à des travailleurs/euses externalisé(e)s.

Cette stratégie consistant à augmenter la part de la main-d’œuvre précaire peut fragiliser les droits des travailleurs et des travailleuses, l’expertise interne et le contrôle que l’entreprise exerce sur ses activités.

  • Perte d’expertise : En France, le syndicat dénonce une perte de savoirs, de compétences et de savoir-faire pour l’entreprise et pour les salariés permanents. À Kennecott, États-Unis, le syndicat attribue la perte de compétences artisanales de la main-d’œuvre directe et l’externalisation de ce travail à la suppression par l’entreprise du programme d’apprentissage, il y a quelques années.
  • Inégalités sur les chantiers de Rio Tinto : En ayant recours au travail précaire, Rio Tinto accroit les inégalités entre travailleurs/euses sur ses chantiers, dégradant ainsi le moral et la productivité du personnel. De nombreux affiliés font part d’importantes disparités dans les conditions de travail proposées aux travailleurs/euses permanent(e)s et précaires. 
    Sur le site de QMM à Madagascar, il arrive que les travailleurs/euses externalisé(e)s perçoivent un salaire inférieur de 25 pour cent à celui perçu par les employés directs. Dans les fonderies de Rio Tinto en Nouvelle-Zélande et à Alma, les travailleurs/euses précaires gagneraient 50 pour cent de moins que les employés directs. En outre, les travailleurs/euses précaires bénéficient de moins d’avantages sociaux. 
    Bon nombre de ces travailleurs/euses précaires proviennent des communautés locales, en contradiction totale avec l’engagement proclamé de Rio Tinto concernant le développement durable de ces communautés.
  • Exposition à des risques accrus pour la santé et la sécurité : De nombreux syndicats dénoncent les risques accrus pour la santé et la sécurité auxquels sont exposés les travailleurs/euses précaires sur les sites de travail. 
    Sur plusieurs de ces sites, les travailleurs et travailleuses sous contrat ou recruté(e)s par les agences de travail temporaires subissent une pression plus forte pour effectuer un travail dangereux que les employés directs.
    Craignant de perdre leur emploi, ils/elles s’exécutent même si le travail est dangereux.
    À Alma, les équipements de protection individuelle portés par les travailleurs/euses en sous-traitance sont obsolètes et le syndicat n’a pas connaissance d’une quelconque formation en matière de santé et de sécurité au profit des ouvriers.
    Le syndicat à Kestrel (Australie) signale que les travailleurs/euses externalisé(e)s bénéficient d’une formation minimale. Sur le site de Richard Bay Minerals (Afrique du Sud), le syndicat a fait part d’une violation flagrante de la réglementation en matière de santé et de sécurité pour les salariés externalisés.
    Les travailleurs/euses précaires ont été impliqués(e)s dans de nombreux accidents mortels récents sur des sites partiellement ou entièrement détenus par Rio Tinto. Parmi ces accidents, plusieurs morts ont été déplorés en Indonésie en 2013 et 2014 et un mort en Afrique du Sud en 2015.
    Rio Tinto est, en dernier ressort, responsable de toutes les lacunes en matière de santé et de sécurité ayant causé la mort de travailleurs/euses externalisé(e)s – les normes de santé et de sécurité inférieures imposées à ces ouvriers augmentent les risques pour l’entreprise.

Relations avec les communautés : droits des populations autochtones

Par l’écoute attentive des préoccupations de nos actionnaires et la volonté d’aligner leurs besoins sur les nôtres, nous nous efforçons de produire des résultats mutuellement avantageux en collaborant avec nos partenaires à la gestion partagée des risques, des responsabilités et des bénéfices liés à nos investissements à long terme.

            - Rapport annuel 2014 de Rio Tinto

Le droit des peuples autochtones à un consentement libre, préalable et éclairé (CLIP) – c’est-à-dire le droit à « un consentement libre et éclairé avant l’autorisation ou le commencement de tout projet d’extraction de ressources naturelles qui empièterait ou aurait des conséquences sur leurs territoires » – est inscrit dans la législation internationale relative aux droits de l’homme. Ce droit a été incorporé au droit « souple » et aux normes internationales qui servent de plus en plus souvent de référence en matière de responsabilité sociale des entreprises. Alors que les États sont directement liés par leur devoir de protéger ce droit, il est désormais couramment admis que les entreprises doivent respecter ce droit, que les gouvernements s’acquittent de leur mission ou non.

Rio Tinto est membre du Conseil International des Mines et Métaux (ICMM). En 2013, l’ICMM a adopté une déclaration de principes sur les peuples autochtones et l’exploitation minière qui s’applique à tous ses membres. Plus précisément, les entreprises s’engagent à « Tenter d’obtenir le consentement des communautés autochtones pour les nouveaux projets (et les modifications apportées aux projets en cours) développés sur des terres traditionnellement détenues ou utilisées par les communautés autochtones. »

Rio Tinto, dans sa propre déclaration de principes sur les droits des peuples autochtones et du CLIP, déclare que l’entreprise « cherche à agir d’une manière qui soit compatible avec l’UNDRIP » (Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui inclut le CLIP). Et « nous nous efforçons d’obtenir le consentement libre, préalable et éclairé (CLIP) des communautés autochtones concernées tel que défini par la norme de performance 7 de 2012 de la Société financière internationale (SFI). »

Cependant, en pratique, à plusieurs reprises, Rio Tinto n’a pas respecté les droits des communautés autochtones qui sont concernées, ou susceptibles de l’être, par ses activités. Dans les trois exemples ci-dessous, l’entreprise est accusée de avancer ses opérations sans véritable consultation ni sans obtenir le consentement des peuples autochtones qui possèdent ou ont des droits sur ces terres et leurs ressources. Et à chaque fois, elle a tiré parti de l’incapacité des gouvernements à protéger ce droit.

Ce comportement contraste fortement avec l’engagement proclamé de l’entreprise en matière de CLIP et avec le comportement attendu de la part d’entreprises responsables. Selon les informations disponibles, les effets négatifs que les activités de Rio Tinto, dans ces cas précis, ont généré sur l’environnement, sur les ressources et sur les moyens d’existence des membres de la communauté autochtone détériorent les relations déjà médiocres que l’entreprise entretient avec la communauté.

Première Nation des Innus (Québec, Canada)

Après des décennies de violation de leurs droits ancestraux et de destruction de leur environnement, en 2013, la Première Nation des Innus de Québec a déposé plainte contre la Compagnie Iron du Canada (IOC) dont le propriétaire et exploitant est Rio Tinto. Le « mégaprojet » de IOC/Rio Tinto sur le territoire traditionnel du peuple Innu (le Nitassinan) a été ouvert en 1954 et comprend 29 mines de minerai de fer au Nord-Est du Québec et du Labrador (dont 20 ont été abandonnées), une voie ferrée, un port et trois barrages hydroélectriques.

Les Innus du Québec reprochent à IOC/Rio Tinto d’avoir ignoré les titres fonciers et les droits des autochtones, violant ainsi leur droit au consentement libre, préalable et éclairé. Leur plainte, qui entend réclamer 900 millions de dollars de dédommagement pour les dégâts causés à leurs terres et à leur mode de vie traditionnel, a remporté récemment d’importantes victoires juridiques.

Les Innus du Québec ont signé des ententes sur les répercussions et les avantages (ERA), qui « permettent aux Premières Nations de répondre aux besoins sociaux et économiques de leurs communautés tout en permettant à l’industrie de mener ses activités avec certitude, » avec l’ensemble des compagnies minières de la région, à l’exception de IOC/Rio Tinto. Selon les mots des Innus, IOC/Rio Tinto, qui aurait refusé de s’asseoir à la table des négociations en toute bonne foi, est « une entreprise délinquante qui s’est distinguée par son mépris du peuple Innu. »

Éleveurs dans le Sud du désert de Gobi (Mongolie)

Comme l’ont fait remarquer Oyu Tolgoi Watch et d’autres ONG, les éleveurs nomades mongols touchés par la mine de Rio Tinto située à Oyu Tolgoi dans le Gobi du sud auraient dû être considérés comme des peuples autochtones au regard de leur « culture attachée à la terre » et de leur rôle en tant que « détenteurs d’anciennes traditions. »

Mais Oyu Tolgoi LLC n’a pas reconnu le statut d’autochtones aux éleveurs et les promoteurs miniers « n’ont pas reconnu des lieux considérés comme sacrés » par les éleveurs. La destruction de ces sites « a eu de graves conséquences culturelles et psychologiques. »

Selon une enquête récente portant sur les communautés concernées par la mine, le projet fut aussi marqué par le défaut de consultation, et même par le recours à « la force et la coercition » lors du processus de réinstallation. OT Watch et d’autres ont noté que « le consentement libre, préalable et éclairé n’est plus possible pour de nombreux aspects du projet, sachant que celui-ci est déjà bien avancé et que de nombreux éleveurs ont été déplacés physiquement ou économiquement. » Malgré les affirmations de Rio Tinto qui « s’efforce d’obtenir » le CLIP par la norme de performance 7 de la SFI, des ONG ont clairement mis en évidence les nombreuses manières dont la mine de Oyu Tolgoi a violé cette norme.

Outre les conséquences négatives pour leurs moyens de subsistance, de nombreuses familles d’éleveurs ont aussi été touchées par la pollution, la poussière, le bruit et la perte d’accès à l’eau, indispensable pour élever le bétail. En raison de ce que l’entreprise a nommé une « erreur technologique », l’entrepreneur en forage de Rio Tinto a creusé des trous d’exploration par erreur qui ont amené les eaux peu profondes – dont ont besoin les éleveurs – à tomber en cascades vers des zones aquifères saumâtres profondes.

Dans un courriel qui a été divulgué, le vice-président d’Oyu Tolgoi a écrit sur ces forages miniers :

« Je propose de les remplir de mortier de ciment. Bien sûr, il est impossible d’arrêter complètement la cascade... Mais, cela permettra de diminuer nettement la fuite et au moins plus personne ne pourra se plaindre du bruit de la fuite d’eau. Si la presse vient sur les lieux de forage et découvre le bruit de la cascade, nous serons en très mauvaise posture. »

Non seulement l’entreprise a rompu sa promesse de préserver les maigres sources d’eau des éleveurs. Mais sa réaction lorsque les forages ont été découverts est une tentative scandaleuse et malhonnête de dissimuler l’erreur.

En 2013, le gouvernement américain a refusé de financer l’extension de la mine, citant des préoccupations relatives à l’environnement et « des lacunes en matière d’information d’une importance capitale » dans l’étude d’impact environnemental du projet. En 2014, des organisations de la société civile ont écrit à la Banque mondiale, qui avait approuvé le financement de la mine en 2013, afin d’exprimer leurs inquiétudes persistantes sur le projet. Elles ont indiqué, en particulier, que la situation des éleveurs s’était aggravée « dans de nombreux domaines en raison des activités de l’entreprise et de son incapacité à se conformer aux normes de performance de la SFI. »

L’opposition au projet se serait renforcée au sein des éleveurs. Cette perte potentielle du « permis social d’exploitation » ajoutée aux preuves de mauvaise gestion de l’eau par l’entreprise et ses partenaires remettent en cause la viabilité à long terme de la mine. Elles tranchent également avec la récente déclaration de l’entreprise selon laquelle son « approche nous aide à conserver une bonne réputation et à préserver notre licence d’exploitation. »

Nation Apache de la réserve de San Carlos

L’échange de terres contre la mine de cuivre détruirait ce lieu sacré de culte.

            - Terry Chambler, Président de la
               réserve apache de San Carlos, 2013

Nous nous efforçons d’obtenir le soutien le plus large possible pour nos propositions tout au long du cycle de vie de nos activités.

            - Rio Tinto, Notre approche de l’entreprise

En décembre 2014, le Congrès américain a adopté la loi de finances relative au budget de la défense nationale (NDAA). L’adoption de la loi a permis le transfert de près de 10 000 hectares de terres, y compris Oak Flat, une zone protégée de longue date et sacrée pour les Apaches, les Yavapais et pour d’autres tribus amérindiennes, à Resolution Copper Mining, co-détenue par des filiales de Rio Tinto (55 pour cent) et BHP Billiton (45 pour cent). Depuis plus de dix ans, Rio Tinto exerce des pressions auprès du gouvernement américain pour obtenir le transfert des terres en dépit d’une opposition massive, non seulement de la part de la tribu apache de San Carlos, mais aussi de plus de 400 autres gouvernements tribaux.

L’entreprise a l’intention d’utiliser des méthodes d’exploitation par foudroyage de blocs dans le territoire transféré. Les Apaches de San Carlos ont témoigné devant le Sénat américain que cette méthode entrainerait un gigantesque effondrement de terrain au-dessus de la mine, contaminerait l’eau et détruirait des lieux réservés aux rites religieux depuis des siècles, remettrait en cause la cueillette de plantes médicinales et d’autres activités. Resolution Copper a admis qu’un cratère de plus de 3 km de large et 300 m de profondeur se formera à Oak Flat en raison de l’exploitation minière.

Faisant écho au cas des éleveurs de Mongolie, il se pourrait qu’il soit trop tard pour l’obtention d’un CLIP dans le cas de Resolution Copper :

« Les responsables de Resolution ont déclaré vouloir collaborer avec les tribus pour trouver des solutions à leurs préoccupations, mais les tribus estiment que l’organisation de consultations après que les terres ont été attribuées au secteur privé n’a aucun sens. »

Selon cette même source, le Secrétaire à l’Intérieur des États-Unis a déclaré après l’adoption de la loi, « déplorer le manque de consultation des tribus amérindiennes avant de négocier leur terre sacrée. » La tribu prévoit à présent de lancer « une campagne tous azimuts pour mettre fin au transfert de Oak Flat » à Resolution Copper Mining. Dans un tel contexte, le discours de l’entreprise concernant le permis social d’exploitation sonne creux.

Loin d’être « responsable et transparente »

Nous tenons à favoriser une culture de transparence et à nous exprimer sur ces questions.

            - Rapport annuel 2014 de Rio Tinto

Dans son rapport annuel 2014, Rio Tinto prétend être une entreprise « responsable et transparente ». Qu’en est-il en matière d’activité politique et de rapports d’entreprise ?

Activité politique

L’implication des entreprises dans la politique – par le biais de dons, de lobbying, d’adhésion à des associations professionnelles ou autres – fait l’objet d’une surveillance croissante, tant de la part des investisseurs que des organisations de la société civile.

Au cours des trois dernières années, Rio Tinto a affirmé dans chacun de ses rapports annuels : « Aucun don [pour l’année en question] n’a été effectué à des fins politiques dans l’UE, en Australie ou ailleurs, tel que défini par la loi britannique de 2006 sur les sociétés. » Selon le code d’éthique professionnelle de l’entreprise, Notre approche de l’entreprise, Rio Tinto « ne participe ni directement, ni indirectement à la politique partisane et s’abstient de tout versement à des partis politiques ou en faveur de politiciens. »

Les déclarations de l’entreprise s’avèrent être trompeuses, même si d’un point de vue technique, elles sont vraies.

Rio Tinto dispose d’un Comité d’action politique (PAC) aux États-Unis qui fait des dons au profit de campagnes politiques. Bien que parrainés par des entreprises, les PAC sont des entités juridiques distinctes qui récoltent des fonds versés par la direction de l’entreprise, ses employés et/ou actionnaires. Ils ne peuvent utiliser les fonds de trésorerie de l’entreprise, mais le plus souvent, les décisions relatives aux dépenses des PAC sont prises par un dirigeant de l’entreprise avec l’accord du PDG, et les coûts de fonctionnement du PAC peuvent être couverts par les fonds de trésorerie de l’entreprise. Les PAC doivent informer le gouvernement américain des fonds levés et de leur utilisation.

En 2014, le PAC de Rio Tinto (Rio Tinto Inc PAC) a versé près de 30 000 dollars à des personnalités politiques, dont John McCain, le Sénateur de l’Arizona qui a récemment contribué à accélérer l’échange de terres de Oak Flat, au Congrès (voir ci-dessus). Tant que l’entreprise n’utilise pas les fonds de trésorerie, Rio Tinto peut affirmer qu’elle n’a pas effectué ces dons. Néanmoins, étant donné l’influence probable de l’entreprise sur son PAC, les déclarations publiques qui figurent dans son code éthique comme dans les rapports annuels peuvent être considérées comme fallacieuses.

Par ailleurs, la manière dont Rio Tinto formule ces déclarations lui permet d’éviter de divulguer les dépenses engagées pour ses campagnes de lobbying politique et son appartenance à des associations professionnelles, par exemple, dont certaines exercent également des pressions. Notamment, parce que selon la loi britannique sur les sociétés, l’appartenance à des associations professionnelles n’est pas considérée comme une contribution politique et la loi ignore les dépenses de lobbying. Pendant la seule année 2014 toutefois, les dépenses totales de lobbying du Groupe Rio Tinto s’élevaient à 800 000 dollars.

Le manque de transparence sur les dépenses de Rio Tinto empêche de préciser la destination de ces dépenses de lobbying. Et il existe de nombreux éléments qui confirment les pressions irresponsables (quoique légales) exercées par l’entreprise, au détriment potentiel ou réel des droits humains et de l’environnement. Deux exemples significatifs :

  • En 2014, Amnesty International et la Corporate Responsibility Coalition (Core) ont dénoncé « l’ampleur du lobbying » exercé par Rio Tinto et Shell pour inciter le gouvernement britannique à rejeter les poursuites engagées aux États-Unis à l’encontre des entreprises les accusant de complicité dans des cas de violation grave des droits humains et d’atteintes contre l’environnement (les deux affaires ont finalement été rejetées).
  • Dans l’affaire de Oak Flat en Arizona, Rio Tinto a exercé des pressions pendant dix ans afin de soustraire de la protection fédérale une parcelle de terres sacrées pour les Apaches et ainsi permettre à l’entreprise d’exploiter la mine de cuivre à cet endroit. James Ayana, Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits des peuples autochtones jusqu’en 2014, a récemment écrit que l’entreprise « a convaincu d’importants membres de la délégation du Congrès d’autoriser l’échange de terres grâce à un amendement enfoui dans l’incontournable loi de finances relative au budget de la défense nationale. » Selon les mots d’Anaya, l’autorisation de l’échange de terres est apparue « dans le cadre d’un processus législatif tronqué qui a complètement évité d’affronter les points de désaccord. Dorénavant toute possibilité de prendre en compte les préoccupations locales et d’aboutir à un accord avec la tribu est sérieusement compromise. »

Rapports d’entreprise

Au premier abord, Rio Tinto semble répondre aux exigences en matière de rapport d’entreprise. L’entreprise fournit des informations sur ses objectifs d’ESG (environnement, social et gouvernance), ses politiques et principes, et dans un certain nombre de cas particuliers, elle rend même compte des incidents négatifs, par exemple, quand un indicateur clé n’a pas été atteint. Mais le maître-mot ici est « particuliers. » Il n’est pas surprenant de constater que les polémiques évoquées aux sections II et III du présent exposé n’aient pas été intégrées au dernier rapport annuel de l’entreprise.

Concernant Resolution Copper Mine, par exemple, le rapport affirme de manière générale que, dans le cadre de l’examen du projet, l’entreprise consultera les tribus amérindiennes de l’Arizona – ce qui, comme précisé ci-dessus, aurait dû se produire bien plus tôt. Il n’est pas fait mention de la très forte opposition au projet. Pas de mention, non plus, des 2 300 revendications non traitées de la section 5795 du Syndicat des Métallos à Labrador City, Canada, ou de la plainte de la communauté innue à leur encontre. Rien n’est dit des conséquences négatives du site de QMM (Rio Tinto) sur l’environnement et pour la population locale dans la région d’Anosy à Madagascar, ou de l’incapacité de l’entreprise à négocier efficacement avec la communauté sur cette question.

Le rapport annuel ne fait aucune référence au fait que, suite à la fuite d’uranium de décembre 2013 à la mine de Ranger en Australie, un rapport gouvernemental de 2014 concluait que « la gestion de la sécurité et la gouvernance d’entreprise ne répondaient pas aux normes attendues » au moment de l’accident.

En fait, l’entreprise affirmait dans son rapport public « accorder une attention particulière » aux droits du travail et aux droits des peuples autochtones. Ce qui rend les infractions et violations supposées décrites dans les précédentes sections d’autant plus choquantes.

En 2013, l’organisation australienne Catalyst a étudié les rapports sur le développement durable de 32 entreprises australiennes et mesuré l’écart entre la conformité proclamée des entreprises avec les directives du Global Reporting Initiative (GRI) – la référence la plus largement utilisée en matière de rapport d’entreprise – et l’information que les entreprises fournissaient effectivement dans leurs rapports publics. Catalyst a constaté que, malgré un « contrôle » externe, 60 pour cent seulement des affirmations de Rio Tinto relatives au développement durable étaient avérées par rapport à ce qu’elle indiquait. Rio Tinto était classée à l’avant-dernière place de l’étude. Et dans une recherche menée en 2014, IndustriALL Global Union constatait que les rapports de Rio Tinto sur la santé des salariés étaient erronés à plusieurs titres (par exemple, descriptions non fondées, insuffisance de ventilation des données et maladies professionnelles évaluées sur une période trop courte).

Risques

Le comportement de Rio Tinto présente des risques pour l’entreprise comme pour les droits des parties prenantes :

Pour les parties prenantes :

  • Le risque de violations potentielles ou réelles des droits fondamentaux des travailleurs et des travailleuses (par exemple, liberté syndicale ; sécurité des lieux de travail ; sécurité des personnes)
  • Le risque de violations potentielles ou réelles des droits des peuples autochtones (par exemple, le consentement libre, préalable et éclairé ; la liberté religieuse et culturelle ; les avantages découlant de l’exploitation des ressources)
  • Risque concernant la capacité des investisseurs à évaluer correctement l’entreprise pour être en mesure de prendre des décisions d’investissement durable

Pour l’entreprise :

  • Le risque de dégrader les relations avec les parties prenantes, avec pour conséquence la perte du permis social d’exploitation
  • Risque de ternir la réputation de l’entreprise et risque de contentieux
  • Risque de conflits du travail dus à des relations conflictuelles avec les syndicats ou sur des sites non organisés
  • Avec le recours intensif à l’externalisation, risque de perte de contrôle du fonctionnement de l’exploitation et perte d’expertise interne dans l’exploitation des mines.