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Les lockoutés d’Alcan portent le conflit jusqu’aux enceintes patronales

20 février, 2012

 

Les membres lockoutés du Syndicat des Métallos USW d’Alma (Section locale 9490) ont transporté leur lutte contre Rio Tinto Alcan jusqu’à la plus grande ville du Québec ce vendredi 17 février. La principale dirigeante d’Alcan, Jacynthe Côté, y prenait part à un semblant de forum sur l’emploi des jeunes parrainé par la Chambre de Commerce du Montréal Métropolitain.

Quelque 200 des 780 métallurgistes de l’aluminerie Alcan de Saguenay-Lac-Saint-Jean au Québec, ont pris place dans des bus pour parcourir les 460 kilomètres les séparant de Montréal et protester bruyamment lors de ce lunch de travail. C’était la première manifestation loin de leur base pour les travailleurs de cette entreprise qui produit 488.000 T par an. Ils ont été rejoints par une centaine d’autres métallos de Montréal et une centaine d’étudiants universitaires qui se sont joints à l’USW pour se moquer du thème de l’emploi des jeunes choisi pour ce forum alors que le monde des entreprises se ligue avec le gouvernement provincial libéral du Québec pour augmenter les droits d’inscription à l’université.

La manifestation du 17 février, à Montréal

Ce thème des “Midis Chauds” était sensé « encourager au succès la génération future de Québécois.» Le Syndicat des Métallos d’Alma a trouvé beaucoup d’ironie à la participation de Jacynthe Côté sachant qu’à Alma, Alcan a recours au lock-out pour remplacer des emplois permanents à 36 C$ de l’heure en faveur de travailleurs, sous-traités et probablement jeunes, payés 16 C$ de l’heure.

Mme Côté n’était pas supposée aborder le lock-out en plat de résistance, mais lorsque les journalistes la pressèrent de questions à ce sujet, elle a parlé du conflit comme étant « une affaire régionale » qui « sera réglée à Saguenay-Lac-Saint-Jean” par des responsables « qui ont toute ma confiance. »

Plus tôt dans la semaine, alors que le lock-out entrait dans sa septième semaine et au moment où la région minière et manufacturière excentrée commençait à ressentir les effets sur son économie d’une base ayant perdu ses revenus, un de ces responsables a déclaré à Reuters « je ne peux pas mettre une date (sur la reprise des pourparlers) à ce stade parce que rien n’est programmé. »

      

Dan Roy et Marc Maltais

foto: France Paradis/Le-Lac-St-Jean

Avec des prix de l’aluminium qui oscillent très bas, le lock-out d’Alma est une stratégie bien commode pour limiter l’offre et soutenir les prix. Ca cadre bien également dans la stratégie de Rio Tinto visant à désinvestir et dévaluer chez Alcan pour un montant de 8,9 milliards de C$ dans la perspective de l’achat pour 39 milliards de dollars américains de la compagnie canadienne en 2007. Ceci, bien que l’aluminerie moderne et équipée au dernier cri d’Alma, obtenant son électricité hydroélectrique bon marché, ne risque probablement pas d’être sabordée.

Ceci aurait d’ailleurs pu être un thème plus opportun pour l’élite de la Chambre de Commerce la semaine dernière et cela explique très bien la colère des métallos et des étudiants rassemblés de l’autre côté des barricades. Dans la même veine, au moment où le cours des actions de Rio Tinto baisse, il est bon de mentionner que Mme Côté a fait elle-même étalage d’un esprit d’entreprise fort à propos et se débarrassant la semaine dernière de 3.671 actions de Rio Tinto pour empocher 213.500 US$, une somme qui a très peu de chance de trouver le chemin de Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Le directeur du district 5 du Syndicat des Métallos, Daniel Roy, a évoqué cette disparité entre les emplois temps-plein, permettant de subvenir aux besoins d’une famille, et ceux en sous-traitance et à bas salaire que Rio Tinto entend créer dans la région. « L’accepter entraînerait une spectaculaire spirale descendante non seulement pour les travailleurs mais aussi pour l’ensemble de la communauté qui verrait ses revenus, les ventes de ses entreprises et le revenus des impôts partir vers le précipice. »

Le président de la section locale 9490, Marc Maltais, ajoute « en admettant le recours à des sous-traitants pour effectuer les tâches des syndiqués, on nous demande des concessions qui engagent les générations futures. C’est une atteinte à nos enfants et petits-enfants. »

Les bus ont quitté Montréal en fin d’après-midi pour le voyage de retour vers Alma, mais ils se sont arrêtés pour une manifestation devant les grilles du site de Sorel, au Québec, où les travailleurs de l’affilié de l’ICEM FIM-CSN (Confédération des Syndicats Nationaux) de l’usine de poudres métalliques de Rio Tinto apportèrent leur soutien au mouvement. Cette halte illustre une nouvelle fois que dans le cadre de ce lock-out, la section locale 9490 fait tomber les barrières qui existent de longue date entre les syndicats canadiens.

              

La patronne de Rio Tinto Alcan, Jacynthe Côté 

Au moment où le Canada connaît une vague d’hostilité patronale sans précédent, force est de constater que les syndicats et autres groupements se galvanisent derrière les travailleurs menacés.

La semaine dernière, les membres de la section locale 2301 du Syndicat TCA de l’aluminerie Rio Tinto Alcan de Kitimat, en Colombie britannique, ont décidé lors d’un vote de faire don de l'équivalent d'une heure de travail par paie à la section 9490 du Syndicat des Métallos d’Alma. Cela représente 60.000 C$ par mois.

Le 8 février, le Syndicat canadien des Communication, de l’Energie et du Papier (SCEP) a fait don de 25.000 C$ aux métallos d’Alma et un jour plus tard, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a apporté une contribution de 10.000 C$. Et il y en a eu d’autres.

Le déplacement à Montréal du Syndicat des Métallos d’Alma pour se confronter à la patronne de Rio Tinto Alcan, Jacynthe Côté, n’était que sa première sortie. Cette semaine, les dirigeants de la section 9490 rendront visite aux mineurs de borax de Rio Tinto en Californie, où les membres de la section locale 30 de l’International Longshore & Warehouse Union (ILWU), un affilié de l’ICEM, se sont battus courageusement contre un lock-out imposé par Rio Tinto. A cette visite succédera celle aux syndicats australiens qui représentent les travailleurs de Rio Tinto.

Le 31 mars, le lendemain de la réunion pour la Région nord-américaine de l’ICEM qui a lieu à Alma, une manifestation s’y tiendra en présence de nombreux leaders syndicalistes internationaux. Et le 1eravril, un atelier aura lieu à Alma pour définir précisément une stratégie de contre-attaque face à Rio Tinto au plan mondial.