Jump to main content
IndustriALL logotype

Pérou : les syndicats du secteur manufacturier à la hauteur du défi

8 janvier, 2019Le Pérou est un bastion du néo-libéralisme orthodoxe, où les institutions sont faibles et où la croissance économique est tout ce qui compte. Mais les affiliés d’IndustriALL Global Union (FENAIP, FETRIMAP et FNTTP) contre-attaquent. Ils se sont récemment mis d’accord pour constituer un comité national afin de collaborer étroitement et ont programmé une série d’activités conjointes dans le cadre d’un projet financé par Union to Union. Les deux syndicats de l’industrie manufacturière obtiennent des avancées en termes de droits des travailleurs.

FETRIMAP, une jeune organisation à la croissance rapide

Le dernier en date des affiliés d’IndustriALL au Pérou est la Fédération des syndicats de l’industrie manufacturière FETRIMAP. Elle a connu une croissance rapide, passant de deux syndicats d’entreprise en 2015 à vingt-deux aujourd’hui. Cette fédération regroupe des syndicats de différents secteurs manufacturiers dont le verre, le papier, les instruments d’écriture, la nourriture ainsi que des services de contrôles et d’inspection.

“Nous avons veillé à fournir à nos membres un soutien au niveau de la négociation collective et de la défense en justice,” indique le Secrétaire général Gilmer Ibañez Melendrez.

De plus, de nombreux syndicats membres mobilisent toujours davantage pour la défense de leur droit à recruter syndicalement et à négocier collectivement, ce qui aide à renforcer la présence de la FETRIMAP.

“Notre vision est de promouvoir le dialogue social par le biais de syndicats forts et de relations sociales solides. Un de nos problèmes majeurs est le recours répandu à des contrats à court terme, qui empêchent la stabilité de l’emploi et sapent tous les autres droits, dont celui de former un syndicat. Nous nous concentrons sur les recours en justice en faveur des travailleurs qui ont été licenciés abusivement ainsi sur le passage des travailleurs de contrats temporaires à permanents. Nous y sommes parvenus pour des centaines de travailleurs et travailleuses et ce succès aide à alimenter notre croissance.”

“Avec le soutien de réseaux syndicaux mondiaux organisés par IndustriALL et l’Internationale des Travailleurs du Bâtiment et du Bois, la FETRIMAP fait des progrès dans sa gestion des relations avec les multinationales,” confie le Secrétaire d’organisation Daniel Alburquerque. “Les employeurs nationaux, cependant, sont plus rétifs.” 

FNTTP : développer de nouvelles stratégies et forger des alliances avec la société civile

Un syndicat qui connaît bien l’attitude rétrograde des employeurs péruviens est la Fédération nationale des travailleurs du textile du Pérou, la FNTTP.

Une loi de 1978 régissant les exportations non-traditionnelles permet le recours illimité à des contrats à court terme au sein de l’industrie de la confection. Les contrats peuvent aller de deux semaines à six mois, ce qui signifie qu’un travailleur ou une travailleuse peut travailler pendant trente ans pour la même entreprise et avoir à signer durant cette période des centaines de contrats de travail.

Vu cette situation, il n’est pas surprenant que l’affilié du textile d’IndustriALL, la FNTTP, reste une organisation relativement petite avec 2.500 membres. Cependant, par de nombreux aspects, cette organisation joue dans une division supérieure.

“Nous avons élaboré un plan pour agrandir notre base, nous développons également d’autres stratégies pour soutenir notre recrutement syndical,” indique Amed Albujar, Secrétaire général de la FNTTP.

“Nous utilisons les mécanismes du commerce pour tenter de forcer le changement,” dit Amed. La FNTTP a été partie à la plainte déposée auprès du Département américain du travail contre le gouvernement du Pérou pour violations des dispositions en matière de droits du travail de l’Accord États-Unis-Pérou de promotion du commerce, ce qui a conduit à diverses améliorations dans l’application du droit du travail. Elle a également été partie à la plainte contre le gouvernement pour son échec à remplir ses engagements en matière de travail et d’environnement en vertu de l’accord commercial entre le Pérou et l’Union Européenne.

Comme la FETRIMAP, la FNTTP est devenue un adepte du recours aux cours et tribunaux pour repousser les limites de la jurisprudence, de sorte à défendre les droits des travailleurs et travailleuses du textile.

“Les tribunaux, bien sûr, ne présentent pas toujours des règles du jeu favorables, mais nous avons tout de même un taux de réussite d’environ 90%. Nous combinons actions en justice et mouvements des travailleurs, mobilisant souvent nos adhérents pour constituer des piquets devant les tribunaux ou le ministère du travail,” indique Amed.

La FNTTP revendique également un retour à la négociation collective sectorielle. Un premier pas consiste à se profiler en tant que partenaire de négociation au nom des adhérents qui ont rejoint la fédération par le biais d’une affiliation directe, une stratégie qui minimise l’impact des mesures antisyndicales sur le terrain. Elle entame également des actions en justice pour empêcher les employeurs d’étendre de manière unilatérale les avancées des négociations collectives aux salariés non-syndiqués, parce que cela revient à saper le rôle des syndicats.

Il y a quelques années, la FNTTP s’est jointe à des organisations de jeunesse et aidé à déclencher une vague de protestation massive qui, en moins de six semaines, est parvenue à renverser la Loi Pulpín qui visait à réduire drastiquement les droits des jeunes travailleurs et travailleuses. Cette expérience a permis de mettre en place des relations durables avec des groupements de jeunes et de femmes qui contribuent aujourd’hui à soutenir la FNTTP dans ses luttes.

La fédération a également été activement impliquée dans des mouvements comme Keiko No Va (pour protester contre la candidature de Keiko Fujimori à la présidence), Ni Una Menos (pour protester contre la violence faite aux femmes) et, plus récemment, dans une coalition visant à lutter contre la corruption.

La fédération est devenue un lieu de rencontre bien connu et on en parle comme du « Bunker », 

en référence au centre des opérations de Batman. La première réunion du mouvement Ni Una Menos au siège de la fédération a été tellement courue qu’il a fallu la déplacer vers une place publique toute proche.

La Loi Pulpín

La FNTTP s’est jointe à une série de mobilisations de la jeunesse qui ont profondément influencé le pays en 2015. En l’espace de cinq semaines, des milliers de jeunes ont participé à cinq manifestations de masse pour forcer le gouvernement à révoquer une loi sur l’emploi des jeunes, connue sous l’appellation populaire de Loi Pulpín (du nom d’un jus de fruit pour enfants), qui aurait porté largement atteinte aux droits et prestations en faveur des jeunes travailleurs et travailleuses de 18 à 24 ans.

Ce qui se sait moins, c’est le rôle joué par la fédération du textile. Lorena Chavera Caceres, Secrétaire des jeunes de la FNTTP nous explique :

“Lorsque le projet de loi a été annoncé pour la première fois en novembre 2014, la fédération du textile a été parmi les premiers à réagir. Cette nouvelle législation aurait rendu notre situation bien pire et nous avons dès lors commencé à nous organiser. Nos adhérents se présentaient directement au sortir de leur poste de nuit et, ensemble avec notre centrale nationale CGTP, nous pouvions constituer devant le Parlement des piquets regroupant 20 ou 30 personnes à la fois. Le 9 décembre, entre le premier et le second vote, nous avons mis sur pied une manifestation avec d’autres syndicats et différents collectifs de jeunes. Environ 500 personnes y ont pris part. Bien que cette première manifestation a été snobée par les médias, elle a été le point de départ de quelque chose de beaucoup plus grand.

“Lorsque le projet de loi a été adopté, notre groupe a eu une confrontation animée avec un des membres clés du Parlement et cet échange a été repris par les médias et a reçu une grande couverture. Nous avons commencé à organiser une autre manifestation, et les réunions ne faisaient que prendre de l’ampleur. Malgré tout, rien ne m’avait préparée à l’importance de l’assistance : plus de 20.000 personnes sont venues à la Plaza San Martín le 18 décembre ! Il y a eu une descente de police et la manifestation a fini par devenir un peu chaotique, après quoi nous avons commencé à mieux nous organiser.

“Après le 18 décembre, il y a eu le 22 et le 29 décembre ainsi que le 15 janvier, avec à chaque fois entre 10.000 et 25.000 manifestants rien que dans les rues de Lima. Il y avait énormément d’énergie et nous étions déterminés à nous faire entendre. Lorsque la police nous a interdit de défiler en direction du parlement tout proche, nous avons alors entrepris une série de marches, parcourant près de 10 kilomètres vers le quartier des affaires et retour, en nous arrêtant en cours de route pour un sit-in à chaque gros croisement.

“Le 26 janvier, le Parlement s’est à nouveau réuni et a révoqué la loi. Imaginez ! Un projet de loi arraché avec le soutien des grandes entreprises et une collusion avec la presse généraliste a été renversé en moins de six semaines grâce au pouvoir de la mobilisation de la jeunesse.”

FNTTP: www.facebook.com/FederacionTextil/

FETRIMAP: www.facebook.com/Federacion.Industria.Manufacturera.del.Peru/

Union to Union – a Swedish donor organization: www.uniontounion.org