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Lock-out au Canada : Reprise des négociations entre l'USW et Rio Tinto Alcan

21 mars, 2012

Pour la première fois depuis le 30 décembre, lorsque Rio Tinto Alcan a imposé un lock-out à 780 travailleurs affiliés au Syndicat des métallos d'Alma, au Québec, les négociations ont repris cette semaine. Après une demi journée de retard dû à un autre conflit social à l'aéroport de Montréal, le 19 mars, les médiateurs provinciaux Jean Poirer et Jean Nolan se sont rendus à Alma où les dirigeants de la section locale 9490 de l'United Steelworkers (USW) et six membres de la direction d'Alcan se sont rencontrés dans l'après-midi.

La médiation s'est poursuivie pendant toute la journée d'hier et le Président de la section 9490, Marc Maltais, a déclaré que les deux camps étaient visiblement décidés à venir à bout de ce conflit qui frappe depuis 12 semaines cette fonderie d'aluminium. En fin de journée, avec l'aide des médiateurs officiels, le syndicat et la direction avaient arrêté un programme accéléré pour la poursuite des discussions.

La reprise des négociations survient cinq jours après une assemblée généraledu syndicat et une conférence de presse pendant lesquelles Marc Maltais et le Vice-directeur du district 5 de l'USW, Guy Farrell, ont rendu compte de leur mission de deux semaines dans l'Ouest américain, en Australie et en Nouvelle-Zélande pour mobiliser le soutien des militants et syndicats de Rio Tinto.

  

Solidarité du syndicat turc Maden-İş avec le Syndicat des métallos d'Alma

À cette conférence de presse, Marc Maltais a annoncé que les deux camps devaient trouver un compromis sur le seul point à l'origine du lock-out : l'externalisation. Le syndicat veut enrayer la continuelle hémorragie d'emplois permanents en mettant des limites à l'externalisation, tandis qu'Alcan s'est servie de ce prétexte pour imposer un lock-out à tout le personnel avant même que d'autres revendications soient mises sur la table.

Guy Farrell a déclaré à l'ICEM que la direction est pressée de sortir de ce conflit à cause de la campagne mondiale qui prend de l'ampleur contre Rio Tinto et parce qu'on se rend compte, au Québec, qu'Alcan rentabilise bien le lock-out en vendant l'énergie hydroélectrique qu'elle n'utilise pas à la province.

Suivant un accord passé avec le Québec en 2006, lorsque Alcan était une entreprise entièrement canadienne, Rio Tinto revend à la province l'énergie qu'elle n'utilise pas du fait que la fonderie d'Alma ne tourne qu'à un tiers de sa capacité. Pendant les quatre mois qu'a pratiquement duré le lock-out, Rio Tinto Alcan s'est enrichi de 15 millions $ canadiens par mois aux dépens du contribuable tout en prenant en otage l'emploi rémunérateur de toute une communauté. Entretemps, l'économie de la région de Saguenay-lac-Saint-Jean, au centre du Québec, perd 1,8 million $ par semaine en impayés de salaires et de prestations.

      

Guy Farrell, de l'USW, à la manifestation de Brisbane

Un autre élément qui a certainement poussé la direction à reprendre les négociations est la hausse du cours de l'aluminium à la bourse de Londres. Après avoir perdu 25% par rapport à un taux record de 2.500 $US la tonne entre le printemps et la fin 2011, le cours a repris 400 $ à la tonne qui se vend cette semaine à 2.245 $.

La fonderie d'Alma est une des plus modernes au monde, son coût de fonctionnement est très bas et elle a accès à une énergie hydroélectrique très bon marché; elle est trop rentable pour la laisser tourner en sous-capacité. En Europe, Rio Tinto Alcan va fermer définitivement sa fonderie d'aluminium du Northumberland, au Royaume-Uni, le 29 mars, et licencier près de 500 travailleurs. Elle a également annoncé lundi qu'elle vendrait ou fermerait sa fonderie de Saint-Jean-de-Maurienne, en Savoie, parce qu'elle n'arrive pas à trouver un arrangement sur le tarif de l'électricité avec EdF.

Marc Maltais a déclaré cette semaine que malgré la reprise des pourparlers, la manifestation prévue à Alma pour le 31 mars sera maintenue. Le syndicat s'attend à rassembler de 5.000 à 10.000 participants pour cette manifestation qui se tiendra le lendemain de la réunion régionale semestrielle des affiliés de l'ICEM d'Amérique du Nord, à Alma.

Les participants se rassembleront à 13 heures au centre commercial Galeries Lac St-Jean et se rendront au Parc Le Festiv d'Alma pour la manifestation qui démarrera à 15 heures (voir le tract de la manifestation ici)

Pendant le voyage qu'ils ont entrepris dans l'Ouest américain puis en Australie et en Nouvelle-Zélande pour appeler à la solidarité, Marc Maltais et Guy Farrell ont obtenu le soutien des mineurs de borax de Rio Tinto de Californie du Sud. La section locale 30 de l'International Longshore & Warehouse Union (ILWU) avait elle aussi subi un lock-out de Rio Tinto de la fin 2009 au printemps 2010.

Après ces réunions fin février à Boron et Los Angeles, Maltais et Farrell se sont rendus en Utah où ils ont rencontré les représentants de la Section locale de l’USW des mines de cuivre Kennecott de Rio Tinto. Quelque 1.000 travailleurs membres de l’USW et d’autres syndicats dont l’IAM (International Association of Machinists) y ont mené une âpre grève de six mois entre 2002 et 2003.

Entre le 4 et le 9 mars, nos amis Canadiens étaient en Australie et en Nouvelle Zélande. En Australie, leur message a été entendu par des centaines de délégués lors de différents forums du MUA (Syndicat maritime d’Australie) et de l’AMWU (Syndicat australien des secteurs manufacturiers) à Brisbane. Le 5 mars, des travailleurs australiens comprenant des membres du syndicat CFMEU (secteurs de la construction, de l’exploitation forestière, des mines et de l’énergie), du MUA, de l’AMWU et de l’AWU ont rejoint Maltais et Farrell lors de protestations menées contre Rio Tinto dans Queen Street à Brisbane.

                

Marc Maltais, de la section 9490, au Forum du MUA

Lors d’un meeting du MUA le 6 mars, nos deux compères ont eu la surprise de voir le MUA vendre des T-shirts de la couleur orange emblématique du Syndicat des Métallos d’Alma et arborant le slogan « Les syndicats des mines et de la mer d’Australie et de Nouvelle Zélande en guerre aux côtés des travailleurs de Rio Tinto. » Les fonds ainsi récoltés ainsi que d’autres dons leur ont été remis, entre autre à l’occasion d’un arrêt à l’aluminerie de Rio Tinto à Bell Bay en Tasmanie fait à l’initiative de l’AWU qui se bat là-bas pour y obtenir une première convention collective.

  En Nouvelle Zélande, la visite du 7 au 9 mars organisée par l’affilié de l’ICEM l’EPMU (syndicat de l’impression et l’ingénierie) ainsi que le MUNZ (syndicat des marins) comprenait une réunion avec les travailleurs de l’aluminerie Tiwai Point de Rio Tinto à Invercargill. Elle comprenait également une autre manifestation, le 9 mars, en face des bureaux de Rio Tinto à Wellington.

Tout au long de leur périple aux Etats-Unis, en Australie et en Nouvelle Zélande, Maltais et Farrell ont emmené une bannière syndicale que les syndicalistes rencontrés ont signée en signe de ralliement au combat des lockoutés d’Alma. Cette bannière a été déployée ce matin dans la salle de la Section locale 9490.

Au moment où les deux syndicalistes terminaient leurs rencontres en Nouvelle Zélande, au pays, à Alma, à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes, le 8 mars, un forum dédié aux femmes réunissait 100 travailleuses et épouses de travailleurs. Cet événement a été organisé pour leur permettre d’échanger leurs expériences après les 68 jours que durait déjà à ce moment le lockout. C’était une occasion unique de partager des réflexions sur les difficultés, la perte de revenus et le bouleversement émotionnel infligés par une riche multinationale aux citoyens québécois de la Région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Alors que l’appel lancé il y a deux semaines par le Premier Ministre Jean Charest en faveur d’une reprise des négociations est toujours ignoré par l’entreprise, la confrontation avec les souffrances, le sacrifice et l’incertitude de l’avenir n’est pas prête de s’arrêter pour les 780 familles et même davantage au sein d’une communauté qui repose sur les salaires issus du travail exécuté à l’aluminerie d’Alma.

Pour en savoir davantage sur ces attaques contre des familles de travailleurs, cliquez ici, ici et ici.