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Le combat des syndicats nigérians du pétrole et du gaz contre le travail précaire

8 août, 2017Au cours des 18 derniers mois au Nigéria, deux affiliés d'IndustriALL Global Union ont réussi à recruter près de 7.500 travailleurs contractuels et occasionnels dans les chaînes d'approvisionnement du gaz et du pétrole du pays, avec le soutien considérable d'un projet syndical ciblant le travail précaire.

Le combat contre le travail précaire que livrent le Syndicat national des travailleurs du pétrole et du gaz naturel (NUPENG) et l'Association des cadres du pétrole et du gaz naturel (PENGASSAN) est une tâche ardue qui se heurte à l'opposition systématique des multinationales du secteur. 

Le projet syndical en place au Nigeria, soutenu par les affiliés d'IndustriALL FNV (Pays-Bas), CSC-BIE (Belgique) et FCE-CFDT (France), s'inscrit dans un projet plus vaste sur le travail précaire concernant aussi le Cameroun et le Sénégal. Il a parrainé, en juillet 2017 à Lagos, un atelier du NUPENG et de la PENGASSAN visant à renforcer la capacité des recruteurs et des délégués d'atelier à organiser les travailleurs précaires.

Tant le NUPENG, qui représente les salariés subalternes, que la PENGASSAN, qui représente les cadres, combattent depuis longtemps le travail occasionnel et contractuel dans l'industrie pétrolière et gazière du Nigeria. Les grandes multinationales du secteur présentes dans le pays, dont Royal Dutch Shell, ConocoPhillips, ExxonMobil, Chevron et Agip, ont commencé à externaliser les emplois dans les années 1980 et 1990. Aujourd'hui, les travailleurs intérimaires et externalisés représentent la majorité de la main-d’œuvre du secteur.

Une tâche herculéenne

La syndicalisation des travailleurs précaires dans la chaîne d'approvisionnement du pétrole et du gaz au Nigeria est une tâche colossale. Les multinationales et leurs sous-traitants empêchent les travailleurs de se syndiquer, tandis que des associations communautaires négocient le recrutement et les promotions de leurs membres dans les compagnies pétrolières par le biais d'intermédiaires, ce qui a pour effet, indirectement, d'affaiblir les syndicats. Les entreprises du secteur recourent à un nombre croissant de sous-traitants, ce qui fragmente la main-d’œuvre. Certains sous-traitants ne sont rien de plus que des sociétés de façade et échappent à leurs obligations légales. Pire encore, les recruteurs sont victimes d'agressions et parfois d'enlèvements.

Les multinationales ont remplacé l'emploi direct par des contrats avec des tiers, supprimant ainsi la sécurité de l'emploi et les prestations liées à l'emploi permanent, ce qui contribue à appauvrir davantage encore les travailleurs. En outre, ces contrats ne sont conclus que pour trois mois et les travailleurs hésitent à se syndiquer de peur de représailles et de voir leur contrat non reconduit. En fait, ces multinationales, agissant de mèche avec des tiers, cherchent à contourner la législation du travail nigériane et à limiter le droit des travailleurs de se syndiquer. Il est difficile de contester ce système de travail contractuel en raison de l'inefficacité du système judiciaire nigérian et de l'arriéré judiciaire des juridictions du travail.

Faute d'investissements, les capacités de raffinage du Nigéria sont obsolètes, ce qui veut dire que des emplois sont perdus au profit de l'étranger et les raffineries contrôlées par l'État tournent à moins de 30 pour cent de leur capacité. Les emplois disparaissent aussi dans la pétrochimie en raison de conflits sociaux et politiques incessants, d'activités criminelles qui endommagent les oléoducs et de l'agitation sociale dans tout ce qui touche au pétrole.

Un coup de frein aux externalisations

Dans un but d'entraide en matière de syndicalisation des travailleurs intérimaires et externalisés du secteur pétrolier et gazier, les syndicats ont créé une plateforme commune baptisée NUPENGASSAN. Ce projet a permis aux deux syndicats de recruter des dizaines de travailleurs précaires dans les secteurs en amont et en aval de l'industrie. Ils ont aussi réussi à obtenir des emplois permanents pour 200 travailleurs contractuels en 2016. La solidarité des travailleurs dans la chaîne d'approvisionnement a aussi joué un rôle en permettant au NUPENG d'apporter son soutien à la syndicalisation de travailleurs contractuels. Par exemple, le NUPENG a mobilisé les chauffeurs de camions-citernes qui ont bloqué des entreprises qui s'opposaient aux efforts des syndicats pour organiser les travailleurs contractuels. Grâce à leur action, les directions de ces sociétés ont finalement accepté de reconnaître les syndicats.

La négociation collective au niveau de l'entreprise est la formule qui prévaut dans l'industrie pétrolière et gazière du Nigeria et, de ce fait, les multinationales du secteur refusent de reconnaître aux travailleurs contractuels le droit d'être protégés par les conventions collectives conclues pour les salariés directs. Par exemple, la PENGASSAN et Shell Nigeria ont une convention qui ne couvre que les travailleurs des activités de base de l'entreprise (4.500 salariés permanents); or, l'entreprise emploie plus de 50.000 travailleurs contractuels. Pour enrayer cette pratique, la PENGASSAN et le NUPENG ont imposé une négociation collective multipatronale avec les divers sous-traitants des différentes multinationales.

Les deux syndicats réclament la création de forums de pourvoyeurs de main-d’œuvre dans les sociétés du secteur en amont. Ces forums sont des organes-cadres dans lesquels, dans les entreprises concernées, les sous-traitants négocient avec le syndicat représentant les travailleurs contractuels. Dans les secteurs en aval, les syndicats mènent aussi des négociations multipatronales avec des associations de distributeurs.

Le chômage élevé que connaît le Nigeria facilite la tâche des entreprises du secteur pétrolier et gazier qui veulent exploiter les travailleurs. Des milliers travaillent sans contrat d'emploi depuis des années pour des sous-traitants de multinationales. Les disparités entre les conditions de travail des salariés et des travailleurs précaires sont énormes. Le personnel de base bénéficie de nombreuses prestations comme la gratuité des soins médicaux, les indemnités de maternité, la prime de Noël, les allocations de congé, une participation aux bénéfices, une prime de rendement et une indemnité de logement. En revanche, il peut arriver que des travailleurs précaires ne gagnent pas plus de 10 pour cent du salaire des salariés permanents alors qu'ils effectuent un travail équivalent. La plupart ne bénéficient pas de la gratuité des soins ni d'un plan de pension et ils n'ont pas les mêmes protections en matière de santé et de sécurité.

Sous la pression constante de la PENGASSAN et du NUPENG, le ministère fédéral du Travail et de la Productivité a adopté en 2011 des Principes directeurs sur les questions d'administration du travail pour l'embauche contractuelle et l'externalisation dans le secteur du pétrole et du gaz. Bien que ces principes directeurs n'aient pas été publiés officiellement en raison de la chute du gouvernement, ils restent une référence pour les syndicats. Ils comportent notamment des dispositions relatives à la limitation de l'externalisation des fonctions non essentielles, au respect des conventions collectives et imposent la négociation collective entre les sous-traitants et leurs salariés. Ils stipulent également que le personnel contractuel lié par contrat d'emploi ou de travail devra être membre du NUPENG ou de la PENGASSAN. Les deux syndicats continuent de se battre pour que ces principes directeurs soient adoptés par le gouvernement mais les progrès sont d'une extrême lenteur.

Kemal Özkan, Secrétaire général adjoint d'IndustriALL, déclare :

"La manière dont les travailleurs contractuels sont exploités dans la chaîne d'approvisionnement du pétrole et du gaz au Nigeria est inacceptable.

Malheureusement, l'emploi précaire ne cesse de gagner du terrain, mais nous continuerons à soutenir nos affiliés, comme le NUPENG et la PENGASSAN, partout dans le monde, pour y mettre fin. Nos réseaux syndicaux des secteurs du pétrole et du gaz donnent la priorité de leur action à la lutte contre le travail précaire. Ils prendront une part active à la protestation contre le travail précaire que lancera IndustriALL en octobre 2017 par un appel à une journée d'action mondiale."