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DOSSIER: “Ce n’est pas une transformation, c’est un massacre”

20 novembre, 2019Ce que nous faisons aujourd’hui détermine l’avenir du travail

Texte : Georg Leutert

Ce titre spectaculaire cite les propos d’un syndicaliste français tentant de décrire le processus actuel de profonde restructuration au sein de l’industrie automobile.

D’autres comparent les évolutions actuelles avec le replacement des calèches tirées par des chevaux par les automobiles au début du siècle dernier.

Peu importe la manière dont nous qualifions une époque de changement, d’acte inhumain ou de simple évolution technologique, il est peu probable que nous puissions l’arrêter.

Nous devons plutôt nous concentrer sur les ressources à disposition pour gérer ce changement et nous assurer qu’il se produise selon nos règles : en se reposant sur une approche centrée sur l’humain et dans un esprit de solidarité et donc de manière collective

Lorsque les syndicats revendiquent que l’être humain soit au centre des préoccupations, c’est pour éviter ce massacre. En pratique, cela signifie que la première mesure à prendre ensemble avec les employeurs, les politiques, les scientifiques et autres doit être d’analyser de quelle manière tout changement basé sur la numérisation affecte les gens.
En tant que syndicalistes, nous avons une responsabilité face à nos adhérents actuels aussi bien que face aux générations futures, et en particulier face aux non-syndiqués. En outre, en plus de notre objectif principal qui est que les salariés d’aujourd’hui soient aussi les salariés de demain, nous devons également être pertinents pour les nouvelles générations et pour tous ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas être membre d’un syndicat.
Notre positionnement de syndicats qui ont la faculté de faire bouger les masses doit rester intacte.
Deux convictions importantes nous guident :

  •             les meilleures solutions sont à trouver dans la négociation collective et dans le dialogue social
     
  • l’apprentissage continu doit devenir une réalité pour tous les salariés, peu importe où ils travaillent ou le poste qu’ils occupent
     

Ces deux aspects sont essentiels au sein d’accords mondiaux récemment signés par IndustriALL Global Union et le constructeur automobile français Renault et repris sous le titre Construire ensemble le monde du travail.

S’agissant de la requalification et du relèvement des compétences, les deux accords donnent le droit à tous les salariés d’avoir un entretien annuel avec leur hiérarchie afin d’identifier des déficits de compétence et d’élaborer des plans de formation adéquats.

En tant que syndicats, nous devons prêter une attention particulière à ceux qui présentent des difficultés à s’adapter aux changements que la numérisation implique, dont les capacités à apprendre et à relever leurs compétences sont moins développées. Ces collègues ne peuvent pas simplement être abandonnés à leur sort, même avec une indemnité décente ; aucune société ne peut se permettre davantage de citoyens qui ne sont pas pleinement intégrés.

Une attention particulière a également été accordée aux chefs de département et aux superviseurs. Dans de nombreux cas, ces personnes possèdent les compétences techniques pour gérer la transformation mais leurs capacités à traiter le changement d’un point de vue des ressources humaines sont souvent insuffisantes. S’assurer que le personnel qui occupe des postes dirigeants est formé de manière adéquate est crucial, faute de quoi tout le processus pourrait échouer.

La fin des définitions des cols bleus et des cols blancs ?

Lorsque l’on se penche sur les détails des schémas qui concernent l’avenir du travail, il faut être attentif à ne pas condamner toute évolution. Il y a là à la fois du bon et du mauvais, des défis et des opportunités.

La numérisation pourrait conduire à un meilleur équilibre entre vie privée et professionnelle, à des lieux de travail moins dangereux, à moins de hiérarchie (et peut-être à des lieux de travail plus démocratiques) et possiblement à une réduction du temps de travail pour tout le monde. Dans le même temps, les syndicats doivent protéger les travailleurs et l’ordre du jour des négociations devrait entre autres choses refléter :

  •            de nouvelles dispositions au niveau du temps de travail qui semblent plus adaptées aux besoins des salariés et des entreprises peuvent facilement mener à des heures supplémentaires incontrôlées, conduisant à du stress, etc. À l’avenir, les dispositions négociées collectivement et/ou prévues par la loi devront être respectées et protégées.
     
  • un environnement de travail numérisé permet un accès en ligne à son travail à tout moment. Un droit à la déconnexion est donc indispensable.
     
  • la protection des données est cruciale, parce que la création et l’usage d’immense réserves de données est le principe clé de tout futur modèle d’entreprise et de système de production et cela ne doit pas être utilisé à l’encontre les travailleurs.
     
  • Refondation des systèmes de primes. Aujourd’hui, des primes sont versées pour les heures supplémentaires, le travail de nuit, les environnements de travail bruyant, etc. De nouvelles primes devrait donner un espace à tous ceux et toutes celles qui ne peuvent pas bénéficier des horaires de travail réformés, du travail à distance, etc, parce qu’ils ou elles, par exemple, doivent opérer au sein d’un modèle de travail posté traditionnel sur une ligne d’assemblage.
     

Lorsqu’IndustriALL a débuté les négociations avec Renault sur le nouvel accord, l’entreprise était moins focalisée sur les aspects qui viennent d’être évoqués. Sa préoccupation principale était de maintenir son attractivité en tant qu’employeur pour les jeunes générations, ce qui est la raison pour laquelle l’introduction de structures de gestion et de direction plus participatives sont une priorité principale pour elle. Sachant que maintenir une industrie manufacturière de grande échelle est également dans l’intérêt des syndicats, ceux-ci doivent aussi prendre en compte la manière dont les jeunes gens réfléchissent et fixent leurs priorités.

La démarcation traditionnelle entre un emploi de col bleu et de col blanc a déjà commencé à s’estomper et cela va se poursuivre jusqu’à un point où il sera impossible de faire cette distinction. Les syndicats qui fonctionnent toujours selon cette différenciation vont être confrontés à de sérieux défis à l’avenir.

La numérisation, les nouveaux concepts de mobilité, les technologies vertes, etc, vont également créer énormément de nouveaux emplois, nombre d’entre eux dans les domaines de l’informatique et des services. Comment les syndicats peuvent-ils assurer que ces nouveaux emplois fournissent des salaires, conditions de travail et soins de santé décents ? Comment allons-nous arrêter la tendance à toujours davantage d’emplois précaires ? Comment syndiquer les travailleurs et travailleuses des plateformes numériques ?

Ces questions requièrent un ordre du jour de négociation, mais, chose plus importante encore, demandent de nouvelles stratégies syndicales pour s’assurer que ces salariés choisissent des syndicats pour les représenter parce qu’ils parlent le même langage qu’eux et connaissent les problématiques qui sont les leurs et parce que nous savons comment les défendre efficacement.

Nous voyons une transformation profonde dans le monde du travail, qui nécessite un soutien pro-actif de la part des gouvernements. Les États qui n’ont pas commencé à élaborer des politiques industrielles adéquates se comportent de manière irresponsable, vont faire augmenter les taux de chômage à l’avenir et risquent de se retrouver sur le bord du chemin avec toutes les conséquences négatives que cela implique.

IndustriALL signe l'accord avec Renault, en présence de l'OIT

Construire ensemble le monde du travail au sein du Groupe Renault

En juillet 2019, le Groupe Renault, son Conseil d’entreprise de groupe et IndustriALL Global Union ont signé un accord mondial sur la qualité de vie au travail. Cet accord, signé par les dix fédérations syndicales ou syndicats représentés au sein du Conseil d’entreprise de groupe, fournit la base d’un dialogue social structuré, tant au niveau local que du Groupe. Il ouvre la porte au lancement de nouvelles initiatives et les encourage, tout en trouvant des solutions pragmatiques adaptées pour améliorer la vie au travail des salariés, par le biais de la négociation de conventions locales.

Par une approche durable, le nouvel accord prend en compte de nombreux aspects de la vie au travail et en particulier ceux qui permettent aux salariés de combiner performance et bien-être.

Cette approche, qui engage l’ensemble des salarié(e)s du Groupe, s’appuie sur cinq leviers fondamentaux :

  •             un dialogue sur l’évolution du monde du travail
  •             un système de management collaboratif
  •             un engagement durable pour l’inclusion
  •             un équilibre entre vie professionnelle et vie privée
  •             l’adaptation du cadre de travail