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INTERVIEW: Chili, réformer le Code du Travail

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18 mai, 2015Déterminée, forte et ancrée dans ses convictions, Barbara Figueroa est une femme qui n’hésite pas une seconde à dire ce qu’elle pense. Présidente de la centrale syndicale chilienne CUT (Centrale unitaire des Travailleurs du Chili), elle se voit comme “la première porte-parole de la plus importante organisation ouvrière” du pays.Des inégalités croissantes en matière de salaire, de sécurité d’emploi et de stabilité sociale ont conduit le gouvernement de Michelle Bachelet à présenter au Parlement un projet de loi en vue de réformer le Code du Travail qui date de la dictature de Pinochet ayant pris fin en 1990. La nouvelle loi vise à renforcer les droits collectifs des travailleurs et travailleuses et à promouvoir un système plus équitable de relations sociales. Barbara Figueroa est l’une des principales figures de ce changement.

INTERVIEW

Auteur : Kimber Meyer

Traduction : Chris Whitehouse

Syndicat : Centrale unitaire des Travailleurs du Chili (CUT)

L’une des priorités actuelles de la CUT est ce projet de loi présenté devant le Parlement le 29 décembre dernier. Quels sont les principaux points de la réforme qui bénéficieront aux travailleurs chiliens ?

L’évolution la plus importante en débat est la reconnaissance des syndicats en tant que partenaires exclusifs pour ce qui est de la négociation collective. À ce jour, les négociations sont menées par un comité de travailleurs mis en place spécifiquement pour remplir cette tâche. Cela a lourdement handicapé le syndicalisme mais les choses sont maintenant en train de changer. Les syndicats vont reprendre le rôle joué à ce jour par ces comités de négociation et assumer l’entière responsabilité de cette mission.

La deuxième problématique est celle de l’appropriation. Pour l’heure, les patrons ont la faculté d’étendre unilatéralement les améliorations apportées aux conditions de travail par la lutte syndicale à l’ensemble de leurs salariés. La réforme mettrait fin à cette pratique et les employeurs ne pourraient plus étendre les avancées sans avoir conclu d’accord avec les syndicats. Ceci renforce le rôle et le pouvoir des syndicats.

Ensuite, la réforme vise à étendre la portée des négociations collectives de sorte à ce que les syndicats puissent négocier de meilleures conventions. Nous devons nous efforcer d’obtenir un authentique droit de grève, sans restrictions ni sanctions.

Il existe cependant certaines contradictions dans ce projet de loi…

Bien que le projet reconnaisse le bien-fondé du fait syndical et les droits syndicaux fondamentaux, tel le droit de grève, il a aussi ses points faibles. Il est question de punir les pratiques anti-syndicales, mais on introduit également des mesures qui concernent le déroulement de grèves. C’est incohérent parce que, d’un côté on parle de garantir des droits, mais d’un autre on impose une série de sanctions et de restrictions qui sapent la faculté de mettre ces droits en œuvre. Nous saluons le progrès que représente cette initiative, mais nous n’aurons pas réellement de droits si nous devons demander la permission pour chaque chose que nous faisons.

Notre responsabilité est double parce que ce débat n’aura pas seulement un impact positif sur la syndicalisation au plan local, mais, si nous obtenons des avancées sur les réformes nécessaires, il apportera aussi sa pierre au niveau mondial aux droits fondamentaux des travailleurs.

Penses-tu que d’autres pays vont prendre exemple sur le Chili pour améliorer la condition ouvrière ?

C’est ce vers quoi nous tendons, être en mesure d’obtenir des avancées et de créer des précédents qui contribueront au débat en cours. Des entreprises chiliennes investissent dans toute la région et nous savons tous que les pays voisins font mieux que le Chili en matière de droits syndicaux.

On prétend que la réforme génère de l’incertitude, mais ce n’est le cas que pendant que la réforme est en débat. Une fois l’affaire conclue, les choses ne seront pas différentes que ce que connaissent déjà les entreprises dans des pays où elles n’hésitent pas à investir, par exemple en Uruguay, en Argentine ou au Pérou. La réforme dans notre pays a trait à des normes qui sont déjà reconnues partout dans le monde. Nous pensons que c’est un argument très significatif et lourd de sens. Nous essayons d’aider les travailleurs à récupérer leurs droits et de ramener la situation chez nous dans la lignée des normes en vigueur dans notre région.

Penses-tu qu’une fois que les modifications nécessaires auront été faites les syndicats apporteront davantage leur soutien à la réforme et qu’ils prendront des mesures pour la faire approuver ?

J’estime que si le projet de loi avance bien à la Chambre des Députés, nous devrons suivre attentivement ce qui se passe au Sénat. Nous ne pouvons permettre que les syndicats soient exclus du débat, donc nous devons rester concentrés sur l’évolution des choses. Nous devons nous tenir informés des détails de toute proposition d’amendement et savoir si les sénateurs soutiennent une réforme positive ou essaient de faire obstruction aux changements qui se profilent. Nous devons être prêts à faire face aux deux cas de figure.

Ce que nous souhaitons vraiment que les gens comprennent, c’est que la question de la réforme du travail est importante pour l’ensemble du pays et pas seulement pour le mouvement syndical. C’est un débat sur la redistribution équitable de la prospérité et  la fin des inégalités.

Lorsque cette réforme sera finalement approuvée, que penses-tu que seront les premiers changements à être opérés et à avoir les plus fortes retombées?

Nous espérons que le projet sera adopté sous forme de loi le plus tôt possible, tout en sachant qu’elle ne sera en vigueur qu’un an après son vote. Nous ne sommes pas d’accord avec ça et nous avons clamé qu’une réforme telle que celle-ci doit s’appliquer aux conventions collectives qui viennent à échéance. Une fois la loi approuvée, ces conventions seront toujours valables. Le gouvernement doit également renforcer les institutions chargées des inspections et de la mise en œuvre de la législation, tels les tribunaux du travail, de sorte à ce que la nouvelle législation soit respectée.

Le défi auquel nous faisons face est d’être des acteurs pro-actifs de la syndicalisation et de la pédagogie quant à la portée de la législation et d’amener le débat aux quatre coins du mouvement de sorte à ce que nos syndicats ne soient plus confrontés à un code du travail datant de la dictature. Cela requière du mouvement syndical qu’il s’implique dans un important processus d’apprentissage et de changement culturel. Et nous avons la responsabilité de lui fournir les outils nécessaires pour faire de cette législation une réalité.

L’évolution la plus importante en débat est la reconnaissance des syndicats en tant que partenaires exclusifs pour ce qui est de la négociation collective. À ce jour, les négociations sont menées par un comité de travailleurs mis en place spécifiquement pour remplir cette tâche.