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Interview : Comment les syndicats jordaniens aident les réfugiés syriens

25 septembre, 2015La Jordanie est un havre de paix pour plus de 600.000 réfugiés syriens, dont plus de 80 pour cent sont installés dans les villes du pays

Or, dans le courant du mois, le Programme alimentaire mondial a été contraint d'interrompre l'aide alimentaire fournie à près de 230,000 Syriens réfugiés en Jordanie faute de moyens. Il a dû aussi réduire de moitié l'aide apportée à 200.000 autres réfugiés vivant dans le pays. La conséquence est que certaines familles syriennes doivent survivre avec moins de 50 cents par jour.

S'exprimant à la Conférence mondiale des femmes d'IndustriALL Global Union, la semaine dernière à Vienne, Ahlam Alterawi, du Syndicat général des travailleurs du textile et de l'habillement (JTGCU), a expliqué ce que font les syndicats intégrer les réfugiés dans la population active …  

Comment les syndicats jordaniens viennent-ils en aide aux réfugiés syriens ?

Lorsque les réfugiés syriens ont commencé à affluer en Jordanie, il y a quatre ans, nous avons aidé à leur fournir une aide matérielle, comme de la nourriture et des couvertures. Mais ils ne pouvaient pas trouver de travail sans acheter un permis de séjour, à un prix qu'ils ne pouvaient de permettre. Ils ont alors fait appel à notre aide. D'autre part, certaines entreprises se sont adressées à nous pour pouvoir employer des travailleurs syriens qualifiés plutôt que des travailleurs migrants originaires de pays comme le Bangladesh.

Fin 2013, notre syndicat et d'autres se sont adressés, avec l'Association des entreprises jordaniennes, au ministère du Travail pour demander que les Syriens qualifiés puissent intégrer le marché du travail. Le ministre a répondu positivement et il a aussi réduit de 50 pour cent le coût des permis de travail pour les réfugiés syriens.

De quelle autre manière la Jordanie a-t-elle été affectée par la violence dans la région ?

En plus des réfugiés syriens qui affluent en grand nombre dans le pays, de plus en plus d'Irakiens arrivent aussi en Jordanie. C'est un problème pour notre pays. Nous avons dû réduire notre consommation d'eau, de pétrole et d'électricité. Nous devons importer davantage de produits alimentaires, d'énergie pour produite de l'électricité, et plus de pétrole pour répondre aux besoins de tous ces gens venus en Jordanie. Nous avions une population d'environ six millions d'habitants; nous sommes maintenant près de neuf, voire dix millions. C'est pour cela qu'il a fallu commencer à construire des camps de réfugiés dans le désert et dans toutes les zones libres à la frontière avec l'Arabie saoudite.

Quelle est l'incidence des réfugiés sur le marché du travail en Jordanie ?

Des milliers de Syriens restent à l'écart de marché du travail. Pourtant, les réfugiés syriens sont très nombreux dans les villes de Jordanie. Beaucoup sont jeunes et qualifiés dans des secteurs tels que les services de restauration, le textile et l'habillement, et l'industrie du bâtiment. C'est pourquoi certains employeurs et patrons d'entreprises préfèrent embaucher des Syriens parce qu'ils sont plus qualifiés que les jeunes Jordaniens. D'autre part, les réfugiés sont prêts à accepter des salaires inférieurs qu'ils complètent par une aide des Nations unies. Les Jordaniens de souche ne peuvent se permettre d'accepter des salaires aussi bas.

Que fait-on pour aider les travailleurs jordaniens ?

Des organisations internationales mettent actuellement sur pied un programme visant à intégrer les réfugiés syriens dans le marché du travail sans que cela ait une incidence négative sur les femmes et les jeunes du pays. Il s'agit de former les Jordaniens, de les qualifier pour qu'ils travaillent aux côtés des travailleurs syriens, et ne risquent pas de perdre leur emploi en particulier pour les gens instruits. Nous comptons une proportion élevée de femmes et de jeunes instruits, titulaires de diplômes universitaires et ayant de bonnes qualifications.

Vous avez aussi plus d'un million de travailleurs migrants en Jordanie, dont un quart seulement ont des papiers en règle ...

Les travailleurs migrants sont nombreux en Jordanie, en particulier dans le secteur textile. Ils représentent jusqu'à 75 pour cent des travailleurs du textile et viennent principalement du Bangladesh, d'Inde, du Sri Lanka, du Myanmar, de Chine, du Népal et de Madagascar. On compte huit nationalités différentes dans ce secteur.  

Les employeurs aiment bien les travailleurs migrants parce qu'ils acceptent des salaires inférieurs, travaillent plus longtemps; les femmes ne tombent pas enceintes et prennent leur congé annuel à la fin de leur contrat. Les travailleuses jordaniennes ont davantage de responsabilités familiales, elles prennent leurs vacances annuelles, leurs congés de maladie et leur congé de maternité. C'est pourquoi les entreprises préfèrent les travailleurs migrants. Mais nous essayons de remplacer ces travailleurs migrants par des réfugiés syriens parce qu'ils sont déjà dans le pays. Les employeurs ne doivent pas dépenser d'argent en billets d'avion pour les faire venir dans le pays.

Quel est le salaire moyen d'un travailleur du textile en Jordanie ?

Le salaire des travailleurs du textile est d'environ 110 dollars jordaniens (155 $US). Mais le salaire moyen en Jordanie est de 350 à 420 dollars (490 à 590 $US). Ce qui veut dire que la plupart des Jordaniens ne sont pas intéressés par un emploi dans notre secteur.

Que faites-vous pour essayer d'augmenter les salaires dans le textile en Jordanie ? 

Nous avons signé en 2013 une convention sectorielle qui augmentait les salaires de tous les travailleurs – migrants et jordaniens – de 5 dollars jordaniens (7 $US) par an. Cette convention est arrivée à expiration en mai 2015, mais elle est prorogée jusqu'à 2017, lorsque le salaire minimum passera à 120 dollars jordaniens (170 $US) par mois à la fin de l'année.