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Les syndicats dénoncent de graves violations des droits des travailleurs chez le géant de la lunetterie Luxottica

15 juillet, 2021Des organisations syndicales nationales et internationales ont déposé aujourd’hui une plainte au titre des Principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques à l’intention des entreprises multinationales, faisant état de graves violations des droits à la liberté syndicale dans le centre de fabrication et de distribution de Luxottica à McDonough, en Géorgie, aux États-Unis.

Le Syndicat américain des travailleurs des communications (CWA), rejoints par l’AFL-CIO et deux fédérations syndicales internationales basées à Genève, affirment que les directeurs de l’usine Luxottica en Géorgie ont lancé une campagne agressive et alarmiste pour contrarier les droits à la syndicalisation de ses travailleurs et travailleuses et que les directions mondiales à Paris et Milan n’ont pas fait preuve de la diligence requise pour garantir le respect des Principes directeurs de l’OCDE. Ceux-ci exigent des entreprises multinationales qu’elles n’interfèrent pas avec les droits syndicaux des travailleurs et travailleuses, conformément aux normes de l’Organisation internationale du travail. Au contraire, ils appellent à “une approche positive à l’égard des syndicats et une attitude ouverte à l’égard des activités de syndicalisation.”

Luxottica est une division du groupe EssilorLuxottica, le plus grand fournisseur mondial de produits de soins de la vue et de lunettes, servant le marché mondial et comptant plus de 150.000 salariés dans le monde. L’entreprise est née de la fusion, en 2018, du groupe français Essilor, premier fabricant mondial de verres, et du groupe italien Luxottica, premier fabricant et distributeur mondial de lunettes. Le centre de fabrication et de distribution de Luxottica en Géorgie, aux États-Unis, emploie 2.000 travailleurs et travailleuses.

La plainte des syndicats cite l’utilisation par la direction d’une application fournie par l’entreprise appelée “LiveSafe”. Cette application était censée informer les travailleurs et travailleuses sur les problèmes de Covid-19 sur le lieu de travail, mais la direction l’utilise plutôt pour envoyer des messages antisyndicaux sur les prétendus “risques” de la syndicalisation, notamment le fait de perdre son salaire et ses avantages sociaux en cas de formation d’un syndicat. En plus de l’application, la direction a créé un site internet antisyndical vilipendant les syndicats et suggérant des conséquences désastreuses si les travailleurs et travailleuses signent une carte d’adhérent ou choisissent d’être représentés par un syndicat. L’entreprise a également engagé des consultants antisyndicaux et a exigé que les travailleurs et travailleuses assistent à des réunions obligatoires de dénigrement des syndicats en “auditoire captif”, sans possibilité de réponse contradictoire de la part des partisans du syndicat.

L’OCDE, dont le siège est à Paris, est un organe de coordination des politiques des démocraties industrielles avancées et de leurs principaux partenaires commerciaux. Les Principes directeurs de l’OCDE visent à promouvoir un comportement éthique de la part des entreprises multinationales dans leurs activités à l’étranger. Chaque pays de l’OCDE dispose d’un Point de contact national (PCN) qui sert de forum pour la médiation et la conciliation confidentielles en cas de différends concernant les Principes directeurs.

Les efforts de syndicalisation ayant lieu en Géorgie et les sièges sociaux se trouvant à Paris et à Milan, le groupe de travailleurs a déposé sa plainte simultanément auprès des points de contact nationaux des États-Unis, de la France et de l’Italie. Ces deux derniers sont importants, car les Principes directeurs de l’OCDE exigent que les sièges sociaux des “pays d’origine” fassent preuve de diligence raisonnable pour garantir une conduite responsable des affaires dans les sites des “pays d’accueil”. Les trois PCN coordonneront leur traitement du cas. Les Principes directeurs de l’OCDE sont un mécanisme de “droit souple” et les PCN sont des organes administratifs et non des tribunaux. Ils n’imposent pas de sanctions en cas de violation, mais parrainent plutôt une médiation et une conciliation qui peuvent conduire à la résolution du litige.

“Je suis employée chez Luxottica depuis 4 ans et je suis fière d’y travailler dur tous les jours”,

a déclaré Lisa Ragsdale, une salariée de Luxottica à McDonough, en Géorgie.

“Mes collègues et moi nous battons pour former un syndicat afin de pouvoir faire entendre notre voix sur le lieu de travail. Nous nous rassemblons pour lutter pour le respect, des conditions de travail sûres et des salaires équitables. Nous voulons nous joindre à nos collègues de Luxottica, qui ont déjà un syndicat. Nous estimons que Luxottica devrait être favorable à un syndicat pour ses travailleurs et travailleuses, que ce soit en Italie ou aux États-Unis.”

“Nous braquons le projecteur au niveau international sur l’interférence de Luxottica avec le droit de ses travailleurs et travailleuses de Géorgie à la syndicalisation” a déclaré Chris Shelton, Président du CWA. “Les travailleurs et travailleuses de Luxottica en Italie sont depuis longtemps représentés par des syndicats, qui ont une relation positive, mutuellement respectueuse et productive avec la direction italienne. Nous voulons nous assurer que les travailleurs et travailleuses de Luxottica aux États-Unis soient traités avec le même respect”,

a-t-il ajouté.

Le président de l’AFL-CIO, Richard Trumka, a déclaré :

“Ce qui se passe dans cette usine de Géorgie, à savoir faire monter la crainte et la pression auprès travailleurs et travailleuses, confirme la nécessité d’une loi sur la protection du droit à la syndicalisation, telle qu’actuellement examinée par le Congrès. En attendant, nos syndicats et leurs membres utiliseront tous les mécanismes disponibles, dont les principes directeurs de l’OCDE et les normes de l’OIT, pour tenir les entreprises responsables des violations des normes internationales sur la liberté syndicale.”

IndustriALL est la fédération syndicale internationale du secteur manufacturier, basée à Genève, qui représente plus de 50 millions de travailleurs et travailleuses dans 140 pays, dont des milliers de travailleurs d’EssilorLuxottica. Son Secrétaire général Valter Sanches a déclaré :

“Des syndicats affiliés à IndustriALL entretiennent des relations de négociation collective de bonne foi avec la direction d’EssilorLuxottica dans le monde entier. Le site américain ne devrait pas faire exception. Nous demandons à la direction du siège en Europe de faire preuve de diligence raisonnable pour remettre sa direction américaine en conformité avec les principes directeurs de l’OCDE et les normes de l’OIT.”

UNI est la fédération syndicale internationale du commerce de détail, de la finance, des communications et d’autres secteurs de services de l’économie mondiale. Les syndicats affiliés à UNI représentent plus de 20 millions de travailleurs dans 150 pays, dont des milliers de travailleurs du commerce de détail d’EssilorLuxottica dans le monde entier. Sa Secrétaire générale Christy Hoffman a déclaré :

“Ayant mené moi-même des campagnes de recrutement syndical aux États-Unis pendant de nombreuses années, je sais combien la campagne anti-syndicale agressive, promouvant la peur, menée par la direction de Luxottica, entrave les droits à la syndicalisation de ses salariés. Nous espérons que la médiation dans le cadre des Principes directeurs de l’OCDE et leur “approche positive” de la syndicalisation pourront rétablir le respect de la liberté syndicale des travailleurs et travailleuses de McDonough. Avec l’acquisition potentielle du détaillant néerlandais GrandVision, l’entreprise est sur le point d’étendre sa présence dans le secteur ; il est donc d’autant plus important qu’elle respecte les droits de l’homme dans le cadre de toutes ses activités.”

Les Principes directeurs de l’OCDE prévoient que les PCN décident dans un délai de trois mois d’accepter ou non le dossier pour examen et de parrainer la médiation du différend, après avoir donné aux travailleurs et travailleuses, aux syndicats, aux entreprises et aux investisseurs la possibilité de présenter leurs points de vue.

“Nous espérons qu’une médiation parrainée par les PCN permettra d’aligner la politique de la direction américaine de Luxottica sur celle de sa maison-mère, qui négocie avec les syndicats sur base de respect mutuel”,

a déclaré Carl Kennebrew, Président de l’IUE-CWA, la section manufacturière du syndicat, qui supervise les efforts de syndicalisation dans l’usine de McDonough, en Géorgie.