Jump to main content
IndustriALL logotype

Une Transition Juste - ce que demande les syndicats?

Read this article in:

16 mai, 2019Pour réaliser une transition juste vers un avenir dans lequel l’environnement est protégé et l’économie est prospère, les travailleurs ont besoin de politiques industrielles durables, assorties de protections sociales fortes et d’un soutien à leur égard, le tout étant guidé par le dialogue social.

UN GUIDE SYNDICAL

Ce que demande les syndicats?

Le dialogue social

Nous exigeons d’avoir une place à la table de discussion. Nous réclamons la création de groupes de travail / commissions / tables rondes multipartites sur la transition juste afin d’échanger sur le changement structurel et les emplois, qui soient constitués et financés de manière adéquate. Nous demandons que ces discussions aient lieu à l’échelle des entreprises, ainsi qu’aux niveaux local, national, régional et mondial. Le dialogue social devrait établir des structures et des règles de base:

  • une déclaration d’intention selon laquelle l’objectif est de mettre en œuvre des politiques industrielles durables et des programmes de transition juste pour gérer la transformation des industries dans l’intérêt de tous
  • la création d’une institution permanente (observatoire national, table ronde permanente, etc.)
  • un objectif déclaré de cohérence politique entre les plans locaux, régionaux et nationaux; par exemple, la concurrence entre les villes pour attirer des industries « vertes » ne fait qu’encourager une mentalité de nivellement vers le bas
  • la reconnaissance des droits fondamentaux du travail comme principes de base de toute discussion – seuls des syndicats forts peuvent défendre les intérêts des travailleurs dans le cadre de la transformation industrielle qui s’annonce

Des politiques et des plans industriels durables

Nous demandons que des politiques et des plans industriels durables soient élaborés dans le cadre d’un processus de dialogue social dans lequel nous sommes des partenaires à part entière. Les gouvernements et les employeurs doivent mettre en œuvre des politiques industrielles durables sur le plan social, environnemental et économique, à l’échelle des entreprises, ainsi qu’aux niveaux local, national, régional et mondial. Les politiques et les plans doivent promouvoir des industries plus vertes et garantir une transition juste pour les travailleurs touchés par les transformations industrielles. Des politiques industrielles durables sont essentiellement des politiques publiques fondées sur l’intérêt public, bien que les entreprises ont un rôle à jouer en établissant de telles politiques à leur échelle. Les gouvernements doivent s’acquitter de leurs responsabilités en tant que représentants de leurs électeurs.

Des politiques industrielles durables

Toute politique industrielle utilise des mesures incitatives et dissuasives, comme le financement, l’infrastructure et les taxes, pour favoriser certaines industries et en décourager d’autres. Jusqu’à présent, la durabilité des résultats de ces politiques a rarement été prise en compte. Or, des politiques industrielles durables reconnaissent que l’objectif principal devrait être d’établir une base industrielle plus durable, adaptée à chaque nation, région et secteur.

• Des politiques industrielles durables traitent l’environnement, l’économie et la société de manière intégrée. Il faut viser un environnement véritablement durable avec une réduction des gaz à effet de serre, où les anciens sites miniers et industriels sont restaurés et régénérés sur le plan environnemental, où les espèces et les espaces sont protégés, où l’énergie et les ressources sont utilisées avec parcimonie, de manière responsable et circulaire, car il n’y a pas d’emplois sur une planète morte. Des politiques industrielles durables doivent être économiquement viables, accroître l’efficacité et la productivité tout en créant de nouvelles opportunités et en garantissant la création d’emplois. Ces politiques doivent viser une société véritablement durable où le changement technologique profite à tous, où la richesse et la disparité des revenus sont réduites, où les droits de la personne et du travail sont garantis, où les faibles et les marginalisés de la société sont protégés et où les individus, les familles, les communautés et les cultures ont la possibilité de s’épanouir et de prospérer.

  • Elles doivent être fondées sur un engagement à l’égard des objectifs de développement durable des Nations Unies.
  • Des politiques industrielles durables doivent garantir que les industries favorisées créent des lieux de travail sûrs et sains où les travailleurs ont le droit de connaître les dangers du travail, de refuser ou d’arrêter d’effectuer des tâches dangereuses et de participer pleinement aux politiques, programmes et procédures en matière de santé et de sécurité.
  • Les entreprises, en particulier les multinationales, doivent mettre en place des politiques complémentaires et durables à leur échelle par le biais d’un dialogue social.
  • Des politiques industrielles durables au niveau national garantissant une transition juste devront être adaptées aux niveaux régional et local.
  • Chaque collectivité devrait avoir un plan d’action spécifique, y compris des plans d’investissement et de développement d’industries à faible émission de carbone, de production et de stockage d’énergie renouvelable et d’amélioration de l’efficacité énergétique.
  • Les infrastructures nécessaires, telles que les routes, les chemins de fer, l’eau, la distribution d’énergie (électricité, gaz), les télécommunications et l’accès à Internet, le traitement des eaux usées, la gestion des déchets et les installations de recyclage, l’éclairage, la planification et la gestion des forêts et des terres, la règlementation des émissions et du bruit des installations industrielles, les établissements scolaires et une population active instruite, devront être identifiées, améliorées et développées.
  • Les plans régionaux devraient reconnaître les forces, les faiblesses, les possibilités et les menaces auxquelles fait face l’économie locale.

La création d’emplois et l’accès à l’emploi

L’emploi est le moyen principal et privilégié de distribuer la richesse dans la société, en veillant à ce que les individus, les familles et les collectivités aient les moyens de prospérer et de se développer. Par conséquent, la création d’emplois décents doit être un objectif des politiques industrielles durables. Le travail décent est défini par l’Agenda de l’Organisation internationale du travail pour le travail décent et « implique des possibilités de travail productif et offrant un revenu équitable, la sécurité sur le lieu de travail et la protection sociale des familles, de meilleures perspectives de développement personnel et d’intégration sociale, la liberté aux personnes d’exprimer leurs préoccupations, de s’associer et de participer aux décisions qui affectent leur vie, et l’égalité des chances et de traitement pour tous et toutes ». En cherchant de nouvelles industries et en examinant le potentiel de création d’emplois décents, il faut tenir compte de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et de valeur. Les droits et les normes du travail doivent être respectés dans tous les emplois.

Au fur et à mesure que la société se dirige vers un avenir durable, un grand nombre d’emplois seront créés, mais il ne fait aucun doute que des emplois seront éliminés. Les travailleurs qui occupent les emplois concernés doivent être pleinement indemnisés.

  • Si des mesures incitatives sont offertes aux industries du secteur privé, celles-ci devraient plutôt convertir les sites existants en sites de production plus écologiques, ou fabriquer des produits plus écologiques, plutôt que de créer des sites entièrement nouveaux, et ces mesures incitatives doivent être liées à des garanties d’emploi.
  • L’objectif devrait être de créer au moins un nouvel emploi décent pour chaque emploi perdu.
  • Si un emploi disparaît, le travailleur concerné sera intégré à un nouvel emploi décent, assorti de garanties salariales et d’indemnités, si nécessaire, pour le compenser pleinement.
  • Les nouvelles technologies énergétiques, les nouvelles techniques de production, les nouveaux produits, la remise en état, la restauration et la réhabilitation des zones minières et des sites industriels, ainsi que l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, peuvent créer de nombreux emplois. Ces emplois devraient de préférence être mis à la disposition de tous les travailleurs déplacés d’industries non durables.

Énergie

À bien des égards, l’énergie est la clé de tout le casse-tête de la durabilité. La disponibilité d’une énergie suffisante, fournie de manière fiable à un coût abordable et prévisible, permet de résoudre tous les autres problèmes. L’absence d’un tel approvisionnement énergétique ne permet pas d’atteindre la durabilité.

  • Le plan énergétique – national ou régional – devrait définir un bouquet énergétique durable pour l’avenir qui garantisse un approvisionnement énergétique sûr à un coût stable et abordable.
  • Il faut investir suffisamment dans les énergies renouvelables et dans les technologies durables et à faible intensité carbonique, y compris dans le captage du carbone, afin de créer des emplois décents pour intégrer les travailleurs déplacés ou licenciés dans les industries en déclin.
  • Les projets d’énergie renouvelable doivent offrir aux travailleurs un salaire minimum vital, y compris des mesures en matière de santé et de retraite, ainsi que d’autres bonnes conditions de travail.
  • Les politiques industrielles durables devraient être prudentes en ce qui concerne les allégations de « technologies de pointe ». Il y aura de véritables percées puisque les investissements dans la recherche et le développement de technologies durables, en particulier dans le domaine de l’énergie, sont à la hausse. Mais de fausses allégations de percées pour obtenir des gains financiers à court terme peuvent aussi être lancées. Toute décision d’explorer des technologies révolutionnaires doit commencer par une évaluation des risques et des impacts – que signifiera la technologie pour les travailleurs, leurs familles et les communautés dans lesquelles ils vivent?

Des programmes d’ajustement du marché du travail

Une transition juste sera différente de tout processus de transition antérieur. Les programmes traditionnels d’ajustement du marché du travail du haut vers le bas sont tout simplement inadéquats et devront être remplacés par des solutions sur mesure et axées sur les travailleurs. Les programmes d’ajustement du marché du travail devraient tenir compte des besoins et des désirs individuels, familiaux et communautaires. Des politiques du marché du travail créatives et axées sur les travailleurs devraient inclure un droit absolu à une éducation et à une formation financièrement et physiquement accessibles, fondées sur les principes de l’apprentissage tout au long de la vie et sur le droit des travailleurs de choisir ce qui répond le mieux à leurs besoins et à leurs désirs. Cela inclurait autant la formation professionnelle offerte par les syndicats, les employeurs et les établissements d’enseignement, que les programmes d’apprentissage et l’enseignement secondaire et supérieur. Si un commis veut apprendre à devenir mécanicien de chantier ou si un mineur désire étudier la musique, il faut l’appuyer parce qu’au bout du compte, la société en bénéficiera.

Une transition juste coûtera de l’argent à mettre en œuvre, mais les retombées sociétales seront énormes. Cela a été prouvé, par exemple, par les avantages incontestables qui ont résulté des programmes de réintégration du personnel militaire américain démobilisé après la Seconde Guerre mondiale. La « Déclaration des droits des GI » était effectivement un programme de transition juste pour les soldats, et l’éducation et les autres programmes mis à leur disposition ont contribué à faire de cette période l’une des plus prospères de l’histoire des États-Unis.

Des options existent pour la financer, par exemple en élargissant le mandat des régimes d’assurance chômage. Ce n’est pas une question de coûts, mais une question de priorités et d’équité.

  • L’approche sur mesure est la clé. Il doit y avoir un plan et un cheminement adapté à chaque travailleur touché.
  • Des mesures doivent être prévues pour réduire l’impact des pertes d’emplois, du gagne-pain et de l’élimination progressive des travailleurs dans les industries. Ces mesures pourraient inclure l’engagement de ne pas licencier les travailleurs pour des raisons opérationnelles pendant une période de transition définie, et un droit de premier refus aux nouveaux emplois créés dans l’économie « plus verte », avec une aide au déménagement et d’autres aides si nécessaire.
  • Les droits syndicaux doivent être protégés tout au long des transformations.
  • Pendant une période de transition définie, par exemple sur cinq ans, les revenus des travailleurs concernés seront garantis ou pleinement indemnisés.
  • Les travailleurs âgés devraient pouvoir bénéficier d’une retraite anticipée ou d’une transition vers une pension de retraite.
  • Les voies d’accès à de nouveaux emplois, exigeant de nouvelles compétences, auprès du même employeur ou d’un employeur différent, devraient être facilitées.
  • Les collectivités devraient bénéficier de subventions pour les encourager à développer de nouvelles industries durables.
  • La négociation collective a un rôle à jouer aux niveaux local, national et des accords-cadres mondiaux. Des ententes doivent être recherchées pour garantir les droits de transition, afin de conserver, de requalifier et de redéployer les travailleurs concernés auprès du même employeur ou, le cas échéant et dans la mesure du possible, au sein de la chaîne d’approvisionnement, des clients, des filiales et des fournisseurs.

SOMMES-NOUS PRÊTS?

 

Sommes-nous prêts?

L’Organisation internationale du travail et la transition juste

En 2013, l’OIT a adopté une résolution concernant le développement durable, le travail décent et les emplois verts, et a proposé un cadre politique pour une transition juste. En 2015, l’OIT a convoqué une réunion tripartite d’experts chargés d’examiner, d’amender et d’adopter un projet de principes directeurs établis sur la base d’une analyse approfondie, réalisée par le Bureau international du Travail, des résultats des politiques nationales et stratégies sectorielles de préservation de l’environnement, d’écologisation des entreprises, d’inclusion sociale et de promotion des emplois verts. Cette initiative a été prise dans le but d’influencer les pourparlers de Paris sur le climat, ou la COP21.

Les principes directeurs de l’OIT pour une transition juste (titre complet: Principes directeurs pour une transition juste vers des économies et des sociétés durables pour tous; numéro d’identification du document de l’OIT: wcms_432864.pdf) identifient neuf points clés pour gérer les impacts des règlementations environnementales potentielles et promouvoir l’évolution des entreprises durables et plus vertes:

  1. Cohérence des politiques et dispositions institutionnelles (spécifiques à chaque pays)
  2. Politiques relatives au dialogue social (et au tripartisme)
  3. Politiques macroéconomiques et politiques de croissance
  4. Politiques industrielles et sectorielles (emplois verts, emplois décents)
  5. Politiques concernant l’entreprise
  6. Politiques de développement des compétences (et d’éducation)
  7. Politique de sécurité et santé au travail
  8. Politiques de protection sociale (soins de santé, sécurité du revenu, services sociaux)
  9. Politiques du marché du travail

Ces neuf points clés, mais explicitement le point IV, intègrent tous l’Agenda de l’OIT pour le travail décent, pour un travail productif et générant un revenu équitable. Le programme comprend la sécurité sur le lieu de travail et la protection sociale des familles, les perspectives de développement personnel et d’intégration sociale, les droits au travail, y compris la liberté d’association et de participation aux décisions qui affectent leur vie, et l’égalité de chances et de traitement pour tous les hommes et les femmes.

La participation de l’OIT dans le débat sur la transition juste revêt une grande importance. Elle donne pour la première fois au concept une définition acceptée à l’échelle internationale, ainsi qu’une présence institutionnelle au sein d’une agence spécialisée des Nations Unies. Les références à la transition juste dans d’autres textes, comme l’Accord de Paris de l’Agenda pour le développement durable 2030, auront désormais tendance à évoquer automatiquement la définition de l’OIT, même si elle n’est pas spécifiquement mentionnée. Cependant, comme tous les instruments de l’OIT, les Principes directeurs de l’OIT pour une transition juste doivent être considérés comme un plancher, et non comme un plafond, en ce qui a trait à la définition d’une transition juste.