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Le droit de refuser

8 avril, 2020Publication d’IndustriALL Global Union sur le droit de refuser ou de mettre fin à un travail dangereux.

ENGFRAESP

Qu’entend-on par “droit” ?

Un droit est quelque chose que vous êtes moralement ou légalement habilité à faire ou à obtenir.

Les travailleurs ne jouissent pas automatiquement du droit légal de refuser ou de mettre fin à un travail dangereux partout ou dans toutes les circonstances. Cependant, nous avons toujours le droit moral de refuser ou de mettre fin à un travail dangereux. Dans des circonstances graves, nous pensons que non seulement nous avons le droit de refuser ou de mettre fin à un travail dangereux, mais que nous en avons aussi le devoir.

Des problèmes se posent à nous lorsque l’exercice de ce droit n’est pas protégé contre des représailles de l’employeur.

Remarquez que partout où les travailleurs jouissent du droit légal de refuser un travail dangereux, que ce soit par le biais de lois nationales ou régionales, ou de conventions collectives, ce droit est toujours arrivé par suite du militantisme et des revendications des travailleurs et travailleuses, il ne l’a jamais précédé. Nos droits nous sont rarement donnés librement : nous devons les revendiquer et nous battre pour les obtenir.

Droit international

L’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies stipule que “Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne”. Il ne précise pas que ces droits disparaissent lorsque vous allez travailler. En effet, le droit à des conditions de travail favorables est également mentionné dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Un autre document des Nations unies, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, prévoit que toute personne doit avoir droit à des conditions de travail sûres et saines.

Toutefois, les références les plus importantes au droit de refuser un travail dangereux proviennent de l’Organisation internationale du travail (OIT), une agence spécialisée des Nations unies qui s’occupe des normes internationales du travail. L’OIT dispose de plusieurs conventions et recommandations qui mentionnent le droit de refuser un travail dangereux. La plus importante d’entre elles est la Convention 155 sur la sécurité et la santé, de 1981.

La Convention 155 stipule (extraits) :

  • “Article 4
    1. Tout membre devra, à la lumière des conditions et de la pratique nationales et en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, définir, mettre en application et réexaminer périodiquement une politique nationale cohérente en matière de sécurité, de santé des travailleurs et de milieu de travail.
    2. Cette politique aura pour objet de prévenir les accidents et les atteintes à la santé qui résultent du travail, sont liés au travail ou surviennent au cours du travail, en réduisant au minimum les causes des risques inhérents au milieu de travail, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable.
  • Article 5
    (e) la protection des travailleurs et de leurs représentants contre toutes mesures disciplinaires consécutives à des actions effectuées par eux à bon droit conformément à la politique visée à l’article 4 ci-dessus.
  • Article 13.
    Un travailleur qui s’est retiré d’une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un péril imminent et grave pour sa vie ou sa santé devra être protégé contre des conséquences injustifiées, conformément aux conditions et à la pratique nationales.
  • Article 19.
    Des dispositions devront être prises au niveau de l’entreprise aux termes desquelles : [...]
    (f) le travailleur signalera immédiatement à son supérieur hiérarchique direct toute situation dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un péril imminent et grave pour sa vie ou sa santé et, jusqu’à ce que l’employeur ait pris des mesures pour y remédier, en cas de besoin, celui-ci ne pourra demander aux travailleurs de reprendre le travail dans une situation où persiste un péril imminent et grave pour la vie ou la santé.”

En clair, cela signifie que dans le cadre du droit national, les travailleurs et travailleuses peuvent, avec une justification raisonnable, se retirer d’un travail dangereux et ne pas le reprendre tant que l’employeur n’a pas remédié à la situation et, s’ils ont exercé ce droit en toute bonne foi, ils ne peuvent pas en subir de conséquences indues.

D’autres instruments de l’OIT font également référence à ce droit. Par exemple, la Convention n° 176 sur la sécurité et la santé dans les mines, de 1995 ; la Recommandation n° 183 sur la sécurité et la santé dans les mines, de 1995 ; la Recommandation n° 172 sur l’amiante, de1986 ainsi que la Recommandation n° 177 sur les produits chimiques, de 1990.

Les Conventions de l’OIT ont une valeur juridique lorsqu’elles sont ratifiées, mais votre gouvernement national peut ne pas les avoir ratifiées. Les Recommandations, comme leur appellation l’indique, ne sont pas nécessairement exécutoires. Toutefois, à fois les Conventions et les Recommandations de l’OIT peuvent être considérées comme faisant partie des meilleures pratiques internationales, parfois même dans les pays qui n’ont pas ratifié l’instrument concerné.

Loi nationale ou régionale (État, province ou autre) sur la santé et la sécurité au travail

 

Le droit national ou régional varie considérablement de par le monde et vous devez vérifier ce que dit la loi dans votre juridiction.

Si le cadre législatif et réglementaire en matière de santé et de sécurité au travail dans votre juridiction protège le droit de refuser ou de mettre fin à un travail dangereux, il y aura normalement une procédure stricte à suivre pour exercer ce droit. Cette procédure indiquera quels types de travaux dangereux ou à risque seront considérés comme légalement refusables et les mesures que vous devrez prendre pour refuser de les effectuer. Normalement, il s’agira notamment de signaler le danger à votre supérieur hiérarchique, de vous mettre à l’abri de tout danger immédiat en attendant que l’affaire soit examinée et de mettre en place une procédure de règlement des différends. Assurez-vous de vous familiariser avec la procédure qui s’applique à vous et suivez-la scrupuleusement, afin de vous protéger contre les mesures disciplinaires ou le renvoi.

Même si la loi sur la santé et la sécurité au travail ne garantit pas spécifiquement le droit de refuser un travail dangereux, les lois générales de la plupart des nations protègent votre droit de défendre votre propre vie. Ce droit ne disparaît pas lorsque vous entrez sur un lieu de travail. Renseignez-vous auprès d’une personne qui connaît les lois en vigueur dans votre juridiction.

Conventions collectives de travail

Vérifiez votre convention collective de travail (CCT). De nombreuses conventions collectives font référence au droit de refuser ou d’arrêter un travail dangereux. Souvent, une procédure stricte pour l’exercice de ce droit sera également spécifiée. Veillez à vous familiariser avec cette procédure et à la suivre scrupuleusement, afin de vous protéger contre toute mesure disciplinaire ou tout renvoi.

Conclusion

Lorsqu’il y a désaccord dans l’interprétation du droit du travail ou des conventions collectives entre un employeur et un travailleur, la règle générale est de se conformer aux ordres au moment même et de déposer une plainte ensuite. Ce conseil sert à protéger le travailleur contre des mesures disciplinaires ou un licenciement immédiats, car on pense que si un arbitre ou un juge du travail se prononce plus tard en faveur du travailleur, un recours approprié peut être appliqué. Les salaires perdus peuvent être remboursés, les travailleurs peuvent être rétablis dans leurs fonctions légitimes et les comportements indignes peuvent faire l’objet d’indemnisations.

Toutefois, s’agissant de la santé et de la sécurité au travail, cette règle générale ne peut s’appliquer. Un arbitre ne peut imposer aucune mesure de compensation qui permettrait de rétablir la vie ou la santé, si elle est perdue.

Le droit de refuser ou de mettre fin à un travail dangereux ou insalubre n’est pas automatiquement garanti par la loi ou par la CCT. Comme tous les droits de l’homme, nous affirmons notre autorité morale lorsque nous nous le revendiquons. C’est un droit que nous devons gagner, car le perdre, c’est en même temps risquer de perdre notre santé ou notre vie.

Voilà ce que nous syndicats voulons dire lorsque nous disons “vous avez le droit de refuser un travail dangereux”.

N’emportez pas vos droits dans la tombe.