14 octobre, 2025Les travailleurs et travailleuses ukrainiens continuent de faire preuve d’une résilience extraordinaire, maintenant en activité les secteurs clés de l’économie du pays malgré une occupation et invasion à grande échelle. En dépit du danger constant, des lieux de travail détruits et des ressources limitées, les travailleurs et travailleuses des secteurs minier, nucléaire et manufacturier maintiennent l’économie à flot. Dans le même temps, une vague de législations hostiles aux travailleurs et travailleuses progresse et le dialogue social est au point mort.
Dans ce contexte, IndustriALL Global Union et industriAll Europe ont organisé une réunion conjointe ce 14 octobre 2025, réunissant les syndicats affiliés ukrainiens, des représentants du gouvernement, l’Organisation internationale du travail, des membres du Parlement ukrainien, des représentants des employeurs d’Union européenne ainsi que des experts en matière de sécurité, afin de discuter des conditions de travail en temps de guerre et des changements législatifs, notamment le projet de loi n°10.147 “sur la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses au travail”.
Mykhailo Volynets, Président du Syndicat indépendant des mineurs d’Ukraine (NPGU) et de la centrale nationale KVPU, et Valeriy Matov, Président du syndicat du nucléaire Atomprofspilka, ont déclaré que la loi martiale avait restreint les négociations collectives, prolongé les temps de travail et limité les grèves. Ils ont averti que le projet de loi transférerait la responsabilité de la sécurité des employeurs aux travailleurs et travailleuses, imposerait un seuil de 25 % pour la représentation syndicale (au niveau des usines) et réduirait la protection alors que les gens travaillent déjà sous les bombardements et dans des conditions stressantes.
“Alors que l’invasion continue de dévaster des vies, les travailleurs et travailleuses ukrainiens mettent tout en œuvre dans les mines, les centrales énergétiques et les installations de production pour que le pays continue de fonctionner. Nous sommes solidaires des travailleurs et travailleuses d’Ukraine. En matière de santé et de sécurité au travail (SST), les travailleurs et travailleuses ont des droits et les employeurs ont des devoirs. Toute loi qui ferait peser les risques sur les travailleurs et travailleuses est inacceptable, car elle violerait les droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses”, a déclaré Kemal Özkan, Secrétaire général adjoint d’IndustriALL.
Gocha Aleksandria, Spécialiste au sein du Bureau des travailleurs et travailleuses de l’OIT ACTRAV, a rappelé aux participants que la santé et la sécurité au travail sont un droit fondamental reconnu par la Conférence internationale du travail de 2022. “Aucun travailleur ou lieu de travail ne devrait être laissé sans protection”, a-t-il déclaré, appelant à la prévention, à la participation et au dialogue pour guider la réforme.
Jan-Willem Ebeling, de la Commission européenne, a expliqué que la directive-cadre de l’UE rend clairement les employeurs responsables de la prévention des risques, de la formation et de la consultation des travailleurs et travailleuses. La directive fixe des normes minimales qui ne peuvent réduire la protection existante et s’appuie sur une coopération tripartite et une inspection du travail rigoureuse.
Elena Crasta, Conseillère principale auprès de la Confédération européenne des syndicats (CES), a déclaré que les réformes doivent être conformes au droit européen et inclure une véritable consultation. “La CES a déjà fait part de ses préoccupations à la Commission européenne”, a-t-elle déclaré. “Le gouvernement doit honorer ses engagements en matière de dialogue social et d’alignement sur l’UE, sous peine de compromettre l’intégration.”
Les représentants syndicaux ont fait part des dures réalités du travail en temps de guerre. Dmytro Zelenyi, du Syndicat des mineurs NPGU, a décrit des puits inondés et endommagés par les bombes où les gens continuent de travailler. Valeriy Matov a déclaré que les travailleurs et travailleuses du nucléaire sont confrontés à des conditions qui mettent leur vie en danger, avec des moyens financiers limités. Karina Plakhova, du Syndicat de l’aéronautique et de la construction mécanique, a averti que les délocalisations d’entreprises créent de nouveaux risques et limitent le contrôle du syndicat. Bohdan Overkovsky, Président du Syndicat des métallurgistes et des mineurs, a déclaré que les syndicats continuent leurs inspections et leur soutien malgré la destruction des infrastructures.
Représentant les employeurs, Oleksandr Turov, Responsable des relations avec les syndicats chez DTEK, une grande entreprise énergétique ukrainienne et l’un des plus grands employeurs du secteur privé du pays, a déclaré que des relations constructives avec les syndicats sont essentielles pour la stabilité et la sécurité, mais a averti que toute modification juridique “doit être convenue entre les employeurs et les syndicats”.
Les syndicats ukrainiens ont analysé le projet de loi n° 10.147 “sur la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses au travail” et ont appelé l’OIT, l’UE et le Parlement ukrainien à intervenir. Quatorze syndicats se sont unis pour présenter une position commune.
Commentant cette démonstration d’unité, Isabelle Barthès, Secrétaire générale adjointe d’industriAll Europe, a déclaré :
“Nous sommes pleinement solidaires des travailleurs et travailleuses ukrainiens. La santé et la sécurité sont une priorité du syndicat : la prévention et la responsabilité des employeurs ne sont pas négociables, les partenaires sociaux doivent être impliqués. C’est pourquoi nous veillerons à ce que vos voix soient entendues par les institutions européennes et continuerons à plaider en faveur d’un alignement sur les normes européennes.”
Une déclaration commune de 14 syndicats ukrainiens affiliés à IndustriALL et à industriAll Europe, présentée par Yarema Zhugaevich, Présidente du syndicat des constructeurs aéronautiques, appelle la Verkhovna Rada à rejeter le projet de loi n° 10.147 dans sa forme actuelle, à impliquer les syndicats, l’OIT et les experts de l’UE dans les révisions et à garantir le respect des normes internationales. Elle met en garde contre le fait que l’adoption de ce projet de loi compromettrait le dialogue social, abaisserait les normes de sécurité et mettrait en péril l’adhésion de l’Ukraine à l’UE.
“Ce dernier coup porté s’inscrit dans une tendance plus large visant à rogner les droits collectifs. Votre unité est votre force et notre mandat. IndustriALL transmettra ce message directement aux parlementaires et aux institutions,”
a indiqué Kemal Özkan en conclusion.
IndustriALL Global Union et industriAll Europe appellent le gouvernement ukrainien à respecter les normes internationales en matière de santé et sécurité au travail, à rétablir la qualité du dialogue social et à empêcher tout recul en matière de protection des travailleurs. Les travailleurs et travailleuses ukrainiens ont maintenu les industries du pays en vie pendant la guerre et ils ne doivent pas être contraints aujourd’hui d’assumer les obligations légales des employeurs en matière de sécurité.
Illustration : Atomprofspilka