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12 décembre, 2025Le réseau syndical mondial de Sanofi s'est réuni les 10 et 11 décembre à Paris, rassemblant plus de 50 représentants des travailleurs de pays où Sanofi a ses activités. Les participants ont examiné les changements survenus dans l'entreprise ainsi que sa restructuration, ont échangé leurs rapports nationaux, ont entendu le point de vue de la direction et lancé un appel clair au renforcement du dialogue mondial.
Le réseau a démontré son intérêt au cours de près de dix années d'existence. Pourtant, pour une entreprise mondialisée comme Sanofi, les participants ont convenu que des structures ad hoc ne suffisent plus. Ils ont lancé un message d'une seule voix : le temps d'un mécanisme structuré de dialogue mondial est venu.
Une solidarité entre les régions
Le représentant d'IndustriALL Tom Grinter a ouvert la réunion en souhaitant la bienvenue aux délégués du Japon, de Turquie, du Brésil, des Philippines et de toute l'Europe. Il a débuté en soulignant que Sanofi a reconnu IndustriALL en tant que partie prenante dans son dernier Document d'enregistrement universel. Cette reconnaissance est l'aboutissement d'années d'interaction, mais il est loin du dialogue mondial structuré qu'exige la dimension mondiale d'une entreprise comme Sanofi.
Tom Grinter a mis en avant la maturité du réseau, sa bonne organisation et le fait qu'il est prêt à passer à l'étape suivante.
"Une entreprise mondiale a besoin d'une structure mondiale de dialogue social. Le réseau est là. La relation est là. Il faut maintenant les formaliser."
Comprendre la réalité du changement
Aline Eysseric, la secrétaire du Comité d'entreprise européen (CEE) de Sanofi et coordinatrice de son réseau mondial, a résumé la transformation qu'a connue l'entreprise en 2024 et 2025. Le désinvestissement total d'Opelia, d'importantes délocalisations, réorganisations et suppressions d'emplois dans des pays tels que la Colombie et l'Espagne témoignent d'un basculement stratégique profond. S'agissant de la recherche et du développement, la recherche en oncologie a été abandonnée. Son orientation pour l'avenir est maintenant axée sur l'immunologie et les maladies rares, des choix qui vont reconditionner ses besoins et compétences pour la fabrication.
Aline Eysseric a aussi exprimé les préoccupations que suscite la nouvelle directive de l'entreprise concernant le télétravail, qui a fortement réduit la flexibilité des salariés.
"Les travailleurs s'adaptent à un changement énorme. Notre rôle, à l'échelon mondial comme local, est de veiller à ce que personne ne soit embarqué seul dans cette transformation."
Un moment stratégique pour le dialogue mondial
Le secrétaire général adjoint d'IndustriALL Kemal Özkan a replacé la réunion dans un contexte géopolitique et industriel plus large. Il a attiré l'attention sur le fait que, dans beaucoup de régions, le taux de syndicalisation est extrêmement faible dans l'industrie pharmaceutique, ce qui rend une action mondiale coordonnée essentielle. Il a insisté sur les pressions qu'engendrent les tensions commerciales à l'échelon mondial, les restructurations entre toutes les régions et l'érosion des capacités industrielles en Europe.
Kemal Özkan a souligné que la restructuration n'est pas un exercice technique mais un choix politique stratégique. Les travailleurs attendent donc de tous les processus de restructuration qu'ils soient menés en totale concertation et négociation avec leurs représentants. Il se félicite de la reconnaissance par Sanofi d'IndustriALL en tant que partie prenante tout en rappelant que le dialogue doit être structuré.
"Le dialogue ne peut pas reposer sur des personnes ou sur la bonne volonté. Les travailleurs ont besoin d'un mécanisme mondial structuré et fiable et Sanofi en a besoin aussi."
Travail décent et normes mondiales du travail
Les participants ont entendu une intervention de Shreya Goel, de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui a mis en avant le mandat tripartite unique en son genre de l'OIT et l'importance du dialogue social pour garantir le travail décent. Elle a exposé les tendances mondiales dans le secteur pharmaceutique, avec l'automation, la transformation des compétences, la santé et la sécurité au travail et l'inégalité de genre.
Pour l'OIT, les travailleurs doivent participer à la gestion des transitions numérique et structurelle. Cela correspond parfaitement aux revendications d'IndustriALL pour une Transition juste et une implication étroite des syndicats dans toutes les restructurations et dans le changement technologique.
Pressions sur la production et nécessité d'une stratégie industrielle pour l'UE
Juan Jose Delgado, d'IndustriALL Europe, a exposé la situation des travailleurs de l'industrie pharmaceutique sur le continent. Il a mentionné tout particulièrement les pertes d'emplois des deux dernières décennies, les pressions de la politique commerciale des États-Unis et le besoin d'une stratégie industrielle européenne forte qui protège les qualifications et l'emploi de qualité.
Il a aussi exprimé les préoccupations que soulèvent les tentatives d'affaiblissement de l'Europe sociale, avec notamment les attaques contre la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et d'autres normes sur le travail. Juan Jose Delgado a insisté sur la nécessité d'une riposte coordonnée pour défendre les droits des travailleurs et orienter les prochaines initiatives européennes concernant les médicaments critiques et la biotechnologie.
La direction de Sanofi s'adresse à la réunion mondiale
La direction de Sanofi a présenté deux grandes initiatives : le programme Speak Up et le Bureau de l'Ombuds, un service interne. Tous deux ont pour but d'améliorer la sécurité psychologique, l'équité et le règlement des conflits au premier stade. Le réseau syndical se félicite de ces initiatives tout en soulignant qu'elles doivent compléter, et non remplacer les structures syndicales existantes et les comités d'entreprise. Les participants ont aussi soulevé la question du déséquilibre des forces et de la crainte des représailles. La direction a précisé que le programme est conçu pour appliquer les normes de manière équitable à tous les échelons, y compris celui des dirigeants.
Sanofi a également présenté son programme Cancer et Travail. Les délégués ont convenu de l'importance d'un soutien aux travailleurs pendant les périodes de maladie par la sécurité de l'emploi, la flexibilité et le soutien des collègues.
La direction de Sanofi a présenté sa nouvelle Labour Relations & Social Dialogue Position Statement qui réaffirme la liberté syndicale et le droit d'organisation. Les syndicats voient dans cette déclaration une étape importante, mais ils soulignent toutefois qu'une déclaration doit être suivie des nécessaires structures pour rendre le dialogue efficace dans la pratique.
Rapports mondiaux : les voix des travailleurs du monde entier
Des délégués du Japon, de Turquie, du Brésil, d'Italie, des Philippines, de Grèce et d'ailleurs ont présenté leurs bilans nationaux en matière de négociation collective, de restructuration, de conditions de travail et de grands changements organisationnels. Ces rapports ont mis en lumière les succès enregistrés dans la négociation, les préoccupations quant à la sécurité d'emploi et le besoin de canaux renforcés pour aborder les questions qui transcendent les frontières nationales.
Ces échanges ont montré clairement que de nombreux défis sont de nature globale tandis que les mécanismes existants sont régionaux ou locaux. Ce fait a renforcé la conclusion centrale de la réunion.
Une conclusion commune : le besoin d'engagement, de préférence un Accord-cadre mondial
Après d'intenses discussions, un message uni s'est dégagé : Sanofi et ses syndicats ont besoin d'une structure mondiale formelle pour le dialogue social, qui serait de préférence inscrite dans un Accord-cadre mondial.
Le réseau syndical mondial est solidement implanté et a produit des résultats depuis près de dix ans. Mais il manque un cadre qui assurerait un dialogue mondial soutenu, une pleine participation des syndicats et une solution structurée pour aborder les problèmes dans une entreprise qui se mondialise de plus en plus.
Renforcer la voix des travailleurs de Sanofi dans le monde entier
La réunion s'est achevée sur un sentiment puissant de solidarité globale et de détermination. Les travailleurs de tous les continents sont prêts à s'engager de manière constructive et à bâtir une relation mondiale forte avec Sanofi.
"Nous avons démontré qu'une coopération mondiale fonctionne. L'étape suivante consiste à l'ancrer de manière formelle, de sorte que le travailleur de Sanofi, où qu'il soit dans le monde, puisse faire entendre sa voix,"
a déclaré Aline Eysseric.
"Un dialogue structuré, avec son personnel syndiqué, est un atout de taille pour une entreprise multinationale comme Sanofi. Il est un gage de prévisibilité, de transparence et de partage de la responsabilité. C'est ce dont a besoin une entreprise mondiale,"
a déclaré Kemal Özkan.
Le réseau syndical mondial a quitté Paris plus uni que jamais. Les fondements sont en place et la dynamique est claire. La prochaine étape nécessitera un engagement de part et d'autre pour mettre en place un cadre mondial formel qui rend compte de la réalité de Sanofi aujourd'hui et assure un canal adéquat pour le dialogue.
